Les violences sexuelles à Shabunda

Un silence entretenu ?

15-07-2015 14:02:40

Plusieurs jours après les évènements de Kikamba où,selon nos correspondantes à Shabunda, des femmes ont encore une fois été victimes des violences sexuelles de la part des hommes en armes, la nuit du 30 avril au 1er mai, un bilan même consensuel sur le chiffre n'est toujours pas disponible.

A part MSF Espagne, interviewée à ce propos par Femme au Fone(FAF), les autres personnes contactées à ce sujet se sont soit réservées, soit contentées de donner des informations superficielles en rapport avec ces événements.

Pendant que MSF continue à démentir toute légèreté par rapport aux 127 cas déclarés dans son communiqué publié suite à cette incursion et dont il est question dans l'interview que Francisco Ottero chef de mission MFS Espagne a accordé à FAF, une source proche du ministère provincial en charge du genre et de la santé a, pour sa part, confié que seulement 2 femmes, dont une mineure, auraient été victimes d'agressions sexuelles au cours de ces événements de Kikamba. L'administrateur du territoire de Shabunda a de son côté indiqué que des femmes qui vivent dans la pauvreté et qui ont besoin,soit d'un pagne ou soit des biscuits, se seraient fait passer pour des victimes, ce qui aurait ainsi gonflé le chiffre des véritables victimes.

Il n'y a pas que ce chiffre qui fait débat. Le nombre des kits Pep distribués à différentes femmes victimes reste aussi incertain. Certaines des sources approchées par FAF ont affirmé qu'un bon nombre de kits PEP auraient été retournés par MSF à la fondation Panzi qui, pour sa part, estime que « c'est peut-être parce que ces kits ne pouvaient plus servir après 72 heures ». Que des femmes se soient présentées comme ayant été victimes d'agressions sexuelles juste pour bénéficier des quelques biscuits ou pagnes de la part de MSF ou de quelques autres organisations humanitaires, voilà une autre preuve que la situation sécuritaires des femmes du Sud-Kivu, et à Shabunda en particulier, reste précaire, aussi bien sur le plan physique qu'économique.

Ce manque de clarté et de transparence, cette absence de fluidité de l'information derrière ce drame, tant de la part des autorités que de celle des organisations aussi bien locales qu'internationales œuvrant directement ou indirectement dans le milieu, fait que l'opinion s'interroge et reste à la merci de l'intoxication.

S'agit-il d'une peur de plus faibles envers les plus forts ou des intérêts que les uns et les autres préservent préférant ainsi nourrir cette discordance autour des violences sexuelles dont les femmes continuent de souffrir à Shabunda comme ailleurs dans le Kivu ?

Déjà au mois de juillet et ce qui s'est passé à Kikamba reste dans les oubliettes, comme aussi l'enlèvement de 9 femmes et viol d'aumoins 4 à Lulingu, dans le même territoire de Shabunda à la fin du mois de juin dernier. Ces enlèvements ont été perpétrés dans l'hôpital même de Lulingu par des Raia Mutomboki qui auraient violé ces femmes. « Quatre d'entre elles sont revenues et ont reçu des soins à l'hôpital, mais il y aurait encore quelques femmes retenues dans la brousse», affirment des membres de la société civile de Shabunda.

Judith Cuma