FIZI: Recherche Dór et crimes contre les femmes

Raïssa KASONGO, journaliste Femme au Fone

01-06-2015 20:53:26

Le territoire de Fizi est connu pour avoir échappé pendant des années au contrôle du gouvernement régulier et avoir hébergé le maquis du feu le président Laurent Désiré Kabila
dans les environs de Hewa Bora avant de faire chuter le régime du dictateur Zaïrois Mobutu Sese Seko en 1997. 

Aujourd'hui ce territoire regorge encore en son sein plusieurs groupes armés dont les maimai Raiya Mutomboki qui sèment la terreur et la désolation dans le milieu.

Fizi est en bordure du lac Tanganyika, l'un des Grands Lacs d'Afrique et le plus poissonneux du monde. Premier État de la tribu des ba Bembe, une population qui se donne plus à la pêche mais aussi au travail dans des carrés miniers.

De ce fait, des conflits de terre sont rapportés dans ce milieu et occasionnent une grande insécurité d'ordre physique dont le viol contre les femmes.

« Notre Père est mort il y a de cela deux ans, il a laissé un grand champ à notre mère. Cependant il y a un groupe d'hommes qui travaillaient dans la rivière Kasonge, à coté de notre champ, pour y chercher des minerais. Par après, ils ont commencé à avancer jusque dans notre champ » raconte une femme de Fizi au bureau de l'administrateur, la personne qui représente l'Etat congolais dans le territoire. 

Désemparée, cheveux défaits, pagne déchiré et allaitant son bébé d'au moins une année, cette femme est cultivatrice des palmiers à huile, une activité qui l'aide à subvenir aux besoins de sa famille. 

Conflits des terres et violences faites à la femme

Des hommes de son milieu et même ceux venant des territoires voisins sont souvent à la recherche des minerais dans cette rivière Kasonge. Ces hommes se permettent de foncer dans des champs à périphérie qui appartiennent à des tiers sous prétexte de trouver de la matière et très souvent sans l'accord des propriétaires.

« Un jour je me rendais au marché, derrière moi deux hommes discutaient comment ils vont détruire tous les palmiers de notre champ et y creuser pour trouver des minerais. J'ai reconnu deux shi (peuple essentiellement des territoires de Kabare et Walungu au sud Kivu) qui y travaillent et je me suis précipitée à la maison pour avertir ma mère car nous restons ensembles. Directement nous nous sommes rendus au champ, et ma mère m'a proposé d'aller voir de l'autre coté de la limite ce qui se passait pendant qu'elle restait pour cultiver les maniocs. Arrivée là bas j'ai vu que réellement ils avaient déterré tous les palmiers à huile » raconte-elle.

La loi sur les violences sexuelles de 2006 en RD Congo réprime également le viol qui se commet dans des carrés miniers où les femmes qui y travaillent sont souvent utilisées sexuellement par des creuseurs artisanaux et par des chefs. Ces derniers utilisent ce moyen pour tenter les consciences des femmes qui ont une économie faible à ne pas pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles afin de les payer ou non après un dur travail, selon des chercheurs consultés par FAF. D'autres ne s'empêchent pas d'aller trop loin afin d'assouvir leur soif de trouver les matières précieuses, à cela ils s'approprient des parcelles d'autrui ce qui causent des conflits des terres. Là, bagarre et même tuerie sont toujours reportées entre eux et les propriétaires par des médias et les organisations des droits de l'homme. Aussi, bien souvent le viol s'en suit, ce qui est le cas pour cette femme: 

« Je les ai demandés pourquoi ils font cela et leur responsable m'a répondu que mon père est déjà mort et ils vont faire ce qu'ils veulent. J'ai insisté, il est monté du trou et il m'a entrainé dedans, là il a appelé ses amis et tous, qui étaient au nombre de quinze, m'ont tabassée, déshabillée et cinq d'entre eux m'ont violée jusqu'à ce que je me suis évanouie »  parle en sanglotant la femme qui dorlote aussi son bébé en pleurs.

Une femme qui passait par là a reconnu la femme évanouie et est allée alerter sa mère qui est venue au secours de sa fille, et s'est vue tabassée également jusqu'à être cassé le bras droit et ont fui, laissant les deux femmes abandonnées.

Lutte contre la persistante impunité

Avide de voir leurs droits respectés, les femmes sont sensibilisées depuis un certains temps à aller se plaindre devant les instances qui ont la possibilité de pouvoir changer les choses. Les deux victimes sont sorties de l'hôpital où elles avaient été admises pour aller porter plainte à la police militaire (PM) du milieu qui est arrivé à mettre la main sur leurs bourreaux.

Le lendemain les bourreaux ont été relâchés sur un ordre reçu par le chef de la police militaire et dont on ignore la source. « Le lendemain nous sommes encore allés à la base des PM, un policier nous a dit qu'on les a libérer et qu'ils sont partis depuis bien longtemps. Il nous a dit que leur chef a reçu l'ordre de les laisser libres, et c'est ainsi qu'il nous a conseillé de venir ici à Fizi Centre pour en parler à la police en charge de la protection des droits de la femme et de l'enfant » indique désespérément la femme avec un regard inquiétant.

L'impunité étant l'un des facteurs qui fragilise le système judiciaire en République Démocratique du Congo est décriée par les organisations des droits de l'homme et la population qui préfère passer par des arrangements à l'amiable au lieu d'aller en justice.« Maintes fois dû à la honte de reconnaitre publiquement qu'on a été violée et au rejet que cela peut causer dans la famille et même la communauté », affirme la psychologue Cécile Mulolo, qui travaille à l'hôpital Panzi, à Bukavu, avec des victimes de violences sexuelles.

Dans les cas de viols des mineures par exemple, l'arrangement passe maintes fois par l'élaboration de mariage entre violeur et victime, encouragé parfois par des autorités traditionnelles, au lieu d'encourager l'application de la justice. « Des fois les mwamis et son entourage vivent dès ce rôle de conseiller parce que les familles reconnaissent sa médiation à travers des paiements qui vont dès l'argent jusqu'à donner un poulet, une chèvre, etc. »,affirment à FAF certaines membres de la société civile de Mwenga, un autre territoire semé des carrés miniers et où le problème est bien présente.