Femmes accusées de sorcellerie, une excuse pour la violence et la discrimination

« J'ai été maltraité par les membres de ma famille, ils m'ont fait subir des atrocités après m'avoir accusé d'être une sorcière »

24-03-2014 15:24:06

Dans la province du Sud-Kivu à l'est de la République Démocratique du Congo, les femmes sont victimes d'accusations de sorcellerie.
Plusieurs messages reçus sur le système Femme au Fone (FAF), faisait état des cas des femmes accusées d'être sorcières et maltraitées en suite dans les communautés à travers ce qu'on appelle justice populaire.

femmes sont victimes d'accusations de sorcellerie.
Plusieurs messages reçus sur le système Femme au Fone (FAF), faisait état des cas des femmes accusées d'être sorcières et maltraitées en suite dans les communautés à travers ce qu'on appelle justice populaire.

Accuser les femmes de sorcellerie n'est pas chose nouvelle. Si nous allons dans les livres d'histoire, on verra bien que cela a été une façon de se débarrasser des femmes trop intelligentes, un peu osées pour son temps ou, simplement, quelqu'un que l'on n'aime pas.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Chasse_aux_sorci%C3%A8res

Dans la province du Sud-Kivu à l'est de la République Démocratique du Congo, les femmes sont victimes d'accusations de sorcellerie.
Plusieurs messages reçus sur le système Femme au Fone (FAF), faisait état des cas des femmes accusées d'être sorcières et maltraitées en suite dans les communautés à travers ce qu'on appelle justice populaire.

Quelques femmes du territoire de Kalehe, groupement de Kalonge, écrivaient des SMS pour y expliquer que les femmes soupçonnées sont même soumises à un, soit disant, test de sorcellerie. «Ce test est effectué par une femme qui se fait passer pour une voyante et un envoyé de Dieu» informe Jean Baptiste Mushagalusa, membre de la société civile dans ce territoire. A Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, les femmes ont aussi dénoncé être victimes des actes de barbaries quand elles sont accusées de sorcellerie, mais ce qui nous a poussé à traiter la question est le cas de K. Christine.

Témoignage à Femme Au Fone

Au cours de février 2014, madame K. Christine d'une trentaine d'années, est venu à la rédaction de FAF expliqué son problème : elle a été accusée d'être sorcière par sa belle-famille. «C'était un samedi soir, mes beaux-frères et belles sœurs sont venus avec le cadavre d'une de leur sœur qui était malade et qui venait de mourir. Ils m'ont dit : 'toi, la sorcière, tu vas nous le payer, tu vas ressusciter notre sœur que tu as ensorcelée ou bien tu vas manger son cadavre cru. Deux d'entre eux se sont jetés sur moi et ont commencé à me battre. Mon mari n'a même pas répliqué, au contraire, il m'a giflé et je me suis retrouver par terre avec mon bébé attaché au dos. Ils m'ont enfermé dans la cuisine avec le cadavre de ma belle-sœur toute la nuit. C'était tellement horrible... C'est le lendemain qu'ils m'ont sortis de là avec toutes les injures que vous pouvez vous y imaginer».
K. Christine arrête de parler, elle regarde au ciel et puis elle ajoute avec tristesse «Pouvez-vous croire que ça fait 11 ans que je suis mariée à cet homme et j'ai avec lui 5 enfants? Mais il se permet de m'humilier, il me chasse de notre maison et me prive de mes enfants».

Femme au Fone a aussi pour mission de mettre en contact les femmes victimes de toutes sortes de violences basées sur le genre avec des organisations qui œuvrent pour la promotion et les droits des femmes. C'est pour cela que FAF a accompagné K. Christine chez APRODEPED Action Pour la Promotion et la Défense de Droits de Personnes Défavorisées (http://www.societecivile.cd/node/1464) car elle souhaite, avant tout, retrouver sa dignité et prendre soins de ces enfants.

« Cette situation est déplorable, en droit congolais la sorcellerie n'est pas une infraction et n'est pas reconnue par le législateur' explique maître Julienne Mushagalusa secrétaire exécutive de l'Association de Femmes Juristes Congolaises au Sud-Kivu (http://www.infobascongo.net/beta/?tag=afejuco).

Le témoignage de Christine n'est qu'un exemple des violences sexistes qui affrontent les femmes, la sorcellerie au Sud Kivu est seulement une accusation portée contre des femmes. Certaines d'entre elles humiliées publiquement, sont parfois brûlées vives, lapidées, poignardées et sont mêmes victimes de justice populaire.

La constitution de la République Démocratique du Congo reconnais dans l'article 16 : « la personne humaine est sacrée. L'état a l'obligation de la respecter et de la protéger. Toute personne a droit à l'intégrité physique ainsi qu'au libre développement de sa personnalité dans le respect de la loi, de l'ordre public, du droit d'autrui et des bonnes mœurs ».

«Les autorités se doivent de renforcer les mécanismes de protection du droit à la vie et de sanctionner les coupables de ces actes de justice populaire pour espérer rétablir les victimes dans leurs droits» ajoute maître Julienne Mushagalusa. En janvier 2014, le gouvernement du Sud Kivu a promulgué un édit qui interdit la justice populaire. Reste son application effective.

En ce qui concerne K. Christine, Gregoire Kasadi avocat à l'Aprodeped suit son dossier. Il affirme qu'une plainte à déposer au parquet est en train d'être initiée par son organisation pour voir comment dédommager la femme et qu'elle ait la garde de ses enfants.

Eliane POLEPOLE

Photo: Les filles qui travaillent dans un atelier de couture de Children's Voice en Goma- une organisation qui soutient les enfants accusés de sorcellerie