A Kalonge, les filles mineures enceintes sont considérées comme une marchandise
Par Eliane POLEPOLE de la rédaction Femme au Fone
19-06-2015 09:52:26
«Dans notre groupement, une jeune fille mineure a été engrossée, sa famille a demandé de force avant toute discussion une chèvre appelé couramment en swahili ici« mbuzi ya mazarau », indique un sms au système Femme au Fone en provenance de Kalonge en territoire de Kalehe, province du Sud-Kivu à l'Est de la République Démocratique du Congo.
Selon la société civile de ce territoire, 25 cas de jeunes filles mineures engrossées ont été enregistrés depuis le début de cette année et les familles de la fille obligent aux familles du garçon avant toute chose de donner cette chèvre dite « Mbuzi ya mazarau » littéralement cela signifie, une situation qui viole les droits de la fille car elle ne donne même pas son avis.
Cette chèvre est symbole d'un dialogue qui va se passer entre les deux familles concernées. Cela signifie que le garçon reconnait que c'est lui qui a engrossée la fille mineure. Pour certaines familles c'est une façon de venir demander pardon à la famille de la fille pour que le dossier ne parvienne pas à la justice, après avoir donné cette chèvre, les deux familles peuvent se convenir que la fille va se marier avec l'homme ou pas.
« Dans les 6 villages qui forment le groupement de Kalonge ce problème se pose très souvent. Les jeunes filles qui tombent souvent enceinte sont des mineures qui ont entre 15 et 17 ans. Ce qui nous étonne c'est de voir que la fille et le garçon ne sont pas associés au dialogue, ce sont les familles qui prennent les décisions à leur place », explique Jean Baptiste Mushagalusa président de la société Civile de Kalonge.
Les familles ne réfléchissent même pas à aller chercher une solution auprès de la justice, les tantes, les oncles, les parents et les frères et sœurs de la fille mineure enceinte se rendent auprès de la famille du garçon qui a engrossé pour un arrangement à l'amiable. Cette « chèvre dite Mbuzi ya mazarau» que la famille du garçon doit donner avant toute discussion est calculée en terme d'argent à 50 dollars américains ou elle est donnée en nature.
« A mon avis, cette situation est devenue comme un petit commerce en défaveur de la fille. Lorsqu'elle est enceinte, ces parents veulent en profiter à tout prix. J'ai moi-même entendu un parent de mon village dire qu'il préfère que sa fille tombe enceinte parce qu'il aura quelques vaches à gagner après l'arrangement à l'amiable avec la famille du garçon », témoigne Muzaliwa Telemuka Benjamin président de l'organisation Protection des Populations Civiles de Kalonge.
« En droit Congolais, une fille de moins de dix huit ans n'est pas consentante pour les relations sexuelles, c'est un cas de viol. Lorsqu'elle est enceinte, l'infraction est aggravée. Ce terme de donner une chèvre appelée « Mbuzi ya mazarau » à la famille de la fille mineure n'existe même pas dans la loi de 2006 sur les violences sexuelles en RD Congo, c'est un concept inventé par les gens en s'appuyant sur les coutumes rétrogrades» fait savoir maitre Papy Kajabika responsable de l'organisation Vision Sociale à Bukavu.
« Les chefs de villages considérés comme les conservateurs de coutumes participent aussi à ce dialogue lorsque les deux familles procèdent à l'arrangement à l'amiable, ils ne découragent pas cette pratique car ils ont aussi leur part dans la somme qui sera versée à la famille de la fille après arrangement » ajoute Muzaliwa Telemuka.
Dans les SMS arrivés au système Femme au Fone les raisons qui poussent certaines familles à recourir à l'arrangement à l'amiable lorsque la fille mineure est rendue enceinte sont les suivantes :
- La pauvreté
-L'ignorance de la loi sur les violences sexuelle en RD Congo
- La non application effective de la loi sur la violence sexuelle
- Le Manque de confiance en la justice
Dans les SMS du Système Femme au Fone sur cette thématique, il en ressort les recommandations suivantes : Aux parents de ne pas forcer leurs filles à aller se marier parce qu'elles se retrouvent enceinte ; de porter plainte au lieu de demander cette chèvre dite de mépris ; de ne pas maltraiter une fille mineure qui est dans cette situation mais de l'aider par des bons conseils pour qu'elle ne sente pas rejetée par la famille ; aux autorités judiciaires de respecter les droits de victimes de toutes les sortes de violences sexuelles , d'éviter la corruption, de rendre la justice accessible à tous, qu'elle soit aussi juste et non corrompue, aux organisations de défenses de droits des femmes de dénoncer ces cas d'arrangement à l'amiable qui sont les autres formes des violences sexuelles.
« Ces pratiques de considérer la jeune fille mineure enceinte comme une marchandise doivent être découragées car elles vont à l'encontre de la loi et viole l'honneur et les droits de la fille victime. Nous devons respecter la loi en évitant le mariage forcé en de telles situations » conclut Maitre Papy KAJABIKA
Les mwamis, les chefs de groupement et chefs de villages devraient de leurs cotés fournir un effort pour décourager les dialogues au sein de leurs communautés qui vont à l'encontre de la loi du pays.