Les femmes s´engagent malgre tout!
Par Eliane POLEPOLE, journaliste de Femme au Fone.
01-06-2015 20:27:57
Telles qu'annoncées par la CENI, les premières rencontres seront les élections provinciales, municipales, urbaines et locales qui auront lieu le 25 octobre prochaine. Les résultats seront annoncés le mois de décembre. Dans la province du Sud-Kivu, à l'est de RD Congo, les femmes se préparent déjà et mettent en place de tactiques pour remporter des sièges lors des élections prochaines. C'est le cas de la clinique électorale, une initiative de l'Observatoire de la Parité pour accompagner et donner les informations importantes aux potentielles candidates, et du feuilleton radiophonique Ni Wakati -qui signifie en swahili: c'est le moment- qui a pour objectif de sensibiliser la communauté par des pièces théâtrales sur la nécessité de la place de la femme dans la gestion du pays. «Nous avons trouvé que c'est intéressant de faire passer le message par l'humour et sensibiliser ainsi toute la communauté sur le rôle et l'importance de la femme dans la gouvernance du pays, ce feuilleton Ni Wakati est un travail de quatre organisations de la société civile», fait savoir Solange Lwashiga secrétaire exécutive du Caucus des femmes congolaises.
Elles sont présentes dans les partis Politiques
Les femmes sont dans les partis politiques contrairement aux élections dernières de 2006 et 2011, où elles n'étaient pas nombreuses. «Le nombre des femmes est plus élevé dans notre parti politique comparativement aux élections passées, nous réfléchissons comment mettre les femmes sur les listes électorales», affirme Apollinaire Bulindi président fédéral de l'Alliance des Forces Démocratiques du Congo (AFDC), un parti de la majorité présidentielle. Mais même si elles sont sur les listes, pour battre campagne il faut avoir de l'argent au moment où les femmes congolaises sont faibles économiquement. «Il y aura des candidatures féminines dans notre parti mais il n'est pas évident qu'elles vont passer parce qu'elles vont se retrouver face aux hommes populaires et financièrement riches. Pour battre campagne je ne sais pas de quelle façon est ce que ces femmes vont s'en sortir!», poursuit Appollinaire BULINDI, de l'AFDC.
«Je suis candidate aux élections provinciales et je crois que les gens ont compris que la femme doit donner sa contribution, j'ai le soutien de mes consœurs femmes de la société civile, je milite pour le respect des droits des femmes, », confie Marie Jeanne Kazunguzibwa, candidate malheureuse lors des élections de 2011 .
«Nous nous préparons déjà aux élections, je ne trouve pas de quelle façon notre pays peut aller de l'avant au moment où la femme est écartée à la gouvernance, nous allons faire un effort malgré les contraintes de la loi électorale qui ne favorise pas la femme» explique Prudence SHAMAVU, présidente du Réseau des Femmes membres des Partis Politiques au Sud-Kivu (RFPP).
Les Contraintes de loi électorale
En effet, la loi électorale controversée, voté le 17 janvier dernier à l'assemblée nationale à Kinshasa a créé des troubles, des confusions, dans presque toutes les provinces de la RD Congo à l'appel des partis d'opposition et de la société civile. La population a manifestée à Kinshasa dans la rue pour dire non à certains articles qui avaient tendance à étouffer la démocratie dans le pays, parmi les manifestants il y a ceux qui ont trouvés la mort, d'autres ont été blessés et d'autres encore ont été emprisonnés. Après relecture, la loi a été votée par les sénateurs congolais avec des amendements.
«Lorsque les gens ont manifesté ils ont vu seulement l'article 8 qui parlait de recensement et voulait prolonger le mandat de ceux qui sont au pouvoir. On a oublié que dans cette loi il y a plusieurs aspects qui exposent notre société à un mauvais fonctionnement, c'est notamment la non considération de la femme avec l'absence de modification de l'article 13 de cette loi électorale», regrette Aimé Jules Murhula, secrétaire national du Parti Congolais pour le Progrès (PCP), un parti de l'opposition.
L'article 13 de la loi électorale stipule: «Aux termes de la présente loi, on entend par liste un document établi par les partis politiques ou les regroupements politiques comportant plusieurs noms des candidats. Dans une circonscription électorale à un seul siège à pourvoir, les partis politiques ou les regroupements politiques présentent la candidature unique du parti politique ou du regroupement politique. Chaque liste est établie en tenant compte de la représentation paritaire homme – femme et de la promotion de la personne vivant avec handicap. Toutefois, la non-réalisation de la parité homme – femme et la non présence de la personne vivant avec handicap ne sont pas motif d'irrecevabilité d'une liste».
«Moi je pense qu'il y a manque de conscience pour nos dirigeants, rien n'a changé, c'était la même chose en 2006 et en 2011. Nous devons tous aider pour que la femme accède à des postes de responsabilités, le combat n'es pas celui des femmes seules, mais c'est un combat de toute la société», constate Aimée Matabaro, vice-présidente de la Société civile du Sud-Kivu.
«C'était une déception totale pour tout le travail de plaidoyer que nous avons mené à Kinshasa, les parlementaires nous avaient promis que cet article 13 sera amendé et qu'il y aurait l'exigence d'insérer au moins 30% des femmes sur les listes électorales», fait savoir Edwige Cishimbi, chargé de programme à l'Observatoire de la parité d'un air désespéré.
L'Observatoire de la parité, en collaboration avec les ONG qui militent pour la défense des droits des femmes, avait menée une campagne à Kinshasa dénommée 3O% vers la parité.
L'objectif était de montrer la faible représentation des femmes dans les instances de prise de décision et de mener le plaidoyer pour le vote d'une loi organique sur la parité. Cette loi sur la parité a été votée à l'assemblée nationale et au sénat. Malheureusement, elle n'a pas été promulguée car elle a été jugée inconstitutionnelle par la Cour Constitutionnelle, parce qu'elle prévoyait le quota des femmes au moment où cela n'est pas écrit dans la constitution du pays.
Cette décision n'est pas compréhensive et est qualifiée de discriminatoire par les organisations féminines du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de Kinshasa. Dans un consortium coordonné par le Réseau Genre et Droits de la Femme (GEDROFE), une lettre de plaidoyer a été adressée au chef de l'Etat pour modifier cet article 13 de la loi électorale. «Nous n'allons pas nous taire, nous allons continuer avec la lutte pour que la femme soit représentée à la gestion de la chose publique, nous voulons que les listes électorales soient irrecevables pour motif de non réalisation de la parité homme-femme, si non les partis vont aligner encore les noms des hommes en oubliant les femmes même si elles sont là comme c'était en 2006 et en 2011», affirme Joséphine NGALULA, secrétaire exécutive de GEDROFE.
Rien sans les femmes!
Une synergie des organisations de la société civile basées au Nord et Sud-Kivu et à Kinshasa, ainsi que d'autres citoyens défendant les droits des femmes en RD Congo, viennent de mettre sur pied la campagne Rien sans les femmes. L'objectif c'est de faire un appel à toutes les organisations de la société civile et à tous les activistes travaillant dans le même domaine de se joindre dans la campagne pour que dans les prochaines élections il y ait beaucoup plus des électrices et des femmes élues. Dans une pétition adressée au président de l'Assemblée Nationale, ces organisations féminines exigent: la révision de l'article 13 de la loi électorale, pour invalider les listes électorales qui n'incluent pas des candidates femmes de manière égale; et le vote et la promulgation de la loi d'application de droits de femmes et de la parité, pour renforcer la politique d'intégration du genre à tous les niveaux et dans tous les secteurs. «Nous souhaitons que nos gouvernants respectent leurs engagements vis-à-vis de la population, qu'ils comprennent que sans les femmes rien ne peut bien marcher dans ce pays», fait savoir Julienne Baseke, coordinatrice de l'Association des Femmes des Medias du Sud Kivu (AFEM-SK), une organisation partie prenante à cette campagne et partenaire de Femme au Fone.
Actuellement, la représentation des femmes reste faible dans différents domaines et dans les institutions du pays du sommet à la base. Le gouvernement de cohésion national formé il y a 4 mois, a sur un total de 48 personnes seulement 7 femmes soit moins de 15% ; à l'Assemblée Nationale l'on compte 52 femmes sur 500 députés nationaux (soit 10, 4%) ; au Senat 6 femmes sur 108 sénateurs (soit 5, 5%). Au niveau de province, il n'y aucune femme gouverneur sur les 11 provinces, toutes les Assembles provinciales sont présidées par des hommes. «C'est ne donc pas la capacité intellectuelle qui manque aux femmes congolaises, elles sont intelligentes comme les hommes, je pense que c'est la volonté politique qui manque pour faire participer les femmes, pourquoi est-ce qu'elles ne se retrouvent mêmes pas à des postes de nomination?», s'interroge Aimé Jules Murhula, secrétaire national du parti politique PCP.
La constitution garantie la parité
Notons que l'article 14 de la constitution de la RD Congo garantie la parité homme-femme et l'équité, cet alinéa stipule «la femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L'Etat garantie la mise en œuvre de la parité Homme-Femme dans les dites institutions. La loi fixe les modalités d'application de ces droits».
Ce principe de représentation égalitaire aux instances de prise de décision était déjà consacré dans les instruments juridiques internationaux ratifiés par la RD Congo, notamment la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF, en 1986). La RD Congo a aussi développé, en 2010, un Plan d'Action National pour la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de Sécurité de Nations Unies, qui renforce l'engagement de l'Etat à augmenter la représentativité des femmes aux instances de prise de décision.
«Dans ce pays il y a des femmes compétentes tout comme les hommes, les femmes méritent et c'est leurs droits de participer à la gestion de notre pays. Ce pays a été géré longtemps par les hommes et il n'y a pas de changement, je pense qu'il faut associer la femme pour espérer à un développement durable dans ce pays», ajoute Prudence SHAMAVU, présidente du Réseau des Femmes membres des Partis Politiques au Sud-Kivu.
Au cours de leurs différentes rencontres, les femmes congolaises se disent prêtes à se mobiliser et à marcher sur un même chemin pour qu'elles participent elles aussi à la gestion du pays.
1 Femme au Fone, est un projet de communication et information pour la sécurité et la participation des femmes au Sud Kivu. www.femmeaufone.net