Alerte

Correspondant du projet Femme-Au-Fone aux arrêts

29-05-2015 09:03:55

 

Alerte

Correspondant du projet Femme-Au-Fone aux arrêts

Lundi soir, dans le territoire de Kabare, Crispin Bisimwa, correspondant de Femme-Au-Fone et président du radio club Ceki de Kashusha de Radio Maendeleo est arrêté, pendant qu'il marchait
paisiblement, par des policiers de la Police Militaire(PM) basée à Nyamunyunyi toujours à Kabare. Une source de la Radio Maendeleo a indiqué que ce défenseur des droits de l'homme serait arrêté pour avoir livré une information sur l'incendie des maisons d'une veuve accusée de sorcellerie par sa communauté, il y a de cela, 3mois environ.

Selon Emmanuel Dunia, le rapporteur de la Société Civile de Kabare, Crispin Bisimwa avait d'abord été conduit à « la prison des récalcitrants »au camp militaire de Nyamunyunyi, à 3 km de INERA Miti, où Il a passé deux nuits de suite et dans des conditions difficiles. Mobilisée, la Société Civile de Kabare a exercé une pression sur les militaires pour obtenir le transfert de Crispin Bisimwa au cachot de la police à Kavumu où il est en garde à vue depuis mercredi. Des sources proches de Kavumu font état des conditions carcérales déplorables dans ce cachot de la police.

Selon le rapporteur de la Société Civile de Kavumu, une première tentative de rencontre avec le procureur a été initiée le mercredi 27 mai 2015 dernier par la Société Civile à la suite de la visite qu'elle a rendue à Crispin Bisimwa au cachot de la police. Cette rencontre espérée pour ce
vendredi 29 mai 2015 permettra à la Société Civile de comprendre davantage les motifs de cette arrestation. En effet, un flou plane encore sur les charges retenues contre Bisimwa par le ministère public qui serait le plaignant, a éclairci le rapporteur.

La Société Civile de Kabare déplore l'irrégularité dans la procédure de cette arrestation qui jusque là a tout l'air d'être arbitraire. Elle lance un appel vibrant à toutes les personnes engagées dans la lutte contre les violations des droits humains d'intervenir, chacun à son niveau, et d'user de leur
pouvoir pour obtenir le plus rapidement possible la libération de Crispin Bisimwa qui n'a fait que son travail.

Des sources proches de Kashusha affirment par ailleurs que les maisons de la veuve avaient effectivement été incendiées par ses voisins et d'autres habitants du village en colère.

Interrogé par Femme-Au-Fone à propos de la veuve, le rapporteur de la Société Civile de Kabare a renseigné que cette dernière, qui se serait d'abord refugiée à Bukavu, serait présentement à Kabare
avec sa famille, mais toujours en clandestinité.

Femme au Fone et la sécurité

Depuis bientôt 2 ans, le projet femme-Au-Fone sur la sécurité des femmes est en marche dans la province du Sud-Kivu. Grâce à une collaboration active avec des femmes et des hommes de
différents territoires, un rapport sur la situation sécuritaire des femmes a été produit en janvier 2015 dernier. Ce document de grande valeur constitue, pour qui voudrait l'exploiter, une véritable base des données sur les problèmes des femmes dans les différents territoires que compte la Province du Sud-Kivu.

Près de 700 personnes ont compris l'importance de partager avec Femme- Au-Fone des informations relatives à la sécurité des femmes dans leurs différents milieux mettant ainsi en danger leur propre vie pour la promotion des droits humains.

Avec l'arrestation de ce correspondant dont les conditions de détention inquiètent déjà la société
civile de Kabare, il y a lieu de s'inquiéter au sujet du sort des autres correspondants de Femme-Au-Fone et surtout pour l'avenir-même du projet qui ne peut être viable que grâce aux SMS envoyés de partout par des personnes acquises à la cause de la femme.

Ce message qui serait à la base de l'arrestation de Crispin Bisimwa est tombée, en langue swahili, dans le système Femme-Au-Fone, il y a de cela 2 mois et 14 jours. Il peut être transcrit
en français en ces termes : « dans le village Kashusha, en territoire de Kabare, les maisons d'une veuve, mère de 5 enfants ont été incendiées par des habitants du village avec l'aide des élèves d'une école de la place. En effet, cette femme a été soupçonnée d'être à la base de la mort d'une élève âgée de 18 ans. C'est pour se venger de la mort de cette élève de la 4ème année secondaire que les habitants ont incendié ces maisons. Cet événement s'est produit pendant que cette veuve
était déjà en fuite avec toute sa famille. Le chef du village avait pourtant invité tous les habitants à s'abstenir de la justice populaire et appelé toutes les femmes à veiller sur les enfants des uns et des autres. »

Lueur d'espoir pour la liberté d'expression

L'arrestation de ce correspondant de Femme-Au-Fone et de la Radio Maendeleo coïncide avec l'adoption le 27 mai 2015, à New York par le conseil de sécurité de l'ONU, d'une résolution condamnant toutes les formes de violations et d'abus perpétrés en période de conflit contre les journalistes, les professionnels des médias et le personnel associé. Il s'agit d'une première après la résolution de 2006 qui demande que cette catégorie d'acteurs soit considérée comme des personnes civiles lors des conflits. Ceci interpelle encore une fois les autorités de la République Démocratique du Congo sur l'urgence qu'il a de faire respecter la liberté d'expression pour permettre aux journalistes et professionnels des médias d'exercer leur travail en toute quiétude en cette période post-conflit. Aussi, la justice populaire étant réprimée par la loi congolaise, rien ne justifie donc l'arrestation de ce correspondant qui, en donnant l'information à sa charge aujourd'hui, n'a fait qu'alerter les autorités, à travers les médias, sur les menaces qui pesaient sur la vie d'une veuve.

Judith CUMA