A Karanda, des femmes s'évadent du centre hospitalier de Kavumu.

13-04-2015 13:39:05

A Karanda, des femmes s'évadent du centre hospitalier de Kavumu.

L'évasion des malades devient monnaie courante au centre hospitalier de Kavumu,à Karanda, dans le territoire de Kabare en province du Sud-Kivu. Selon le message reçu le 4 mars dernier dans le système Femme au Fone en provenance de Miti- Kavumu, des femmes, pour la plupart laissées toutes seules avec leurs enfants et abandonnées par des maris partis à la recherche de l'argent, seraient les plusconcernées par cette situation.

Contacté par la rédaction de Femme au Fone, l'infirmière M'Kadigi, responsable de l'hospitalisation au sein dudit centre hospitalier, affirme que les femmes qui s'enfuient sans payer les frais des soins sont en majorité celles dépourvues des moyens financiers et qu'elles proviendraient généralement des familles disloquées ou divisées et aussi des filles engrossées, puis abandonnées.

Un total de 129 cas d'évasions a été enregistré pour la seule année 2014,a fait savoir le directeur du nursing du même centre hospitalier, Monsieur Muhodera Pascal. « Ces évasions provoquent aussi des pertes économiques à l'hôpital. Seulement en 2014, elles ont entraîné un manque à gagner de plus de 4000 dollars américains, ce qui nuit au bon fonctionnement de l'hôpital. De ces 129 cas d'évasions, 107 ont été enregistrées à la pédiatrie et concernent des enfants qui étaient gardés en
majorité par leurs mères, 22cas des femmes dont 2 à la maternité et 20 en médecine interne. Depuis le début de cette année 2015, 53 cas d'évasions ont été enregistrés pour les mois de janvier et février avec 48 cas en pédiatrie, 3 femmes et 1 homme en médicine interne et enfin, 1 femme en chirurgie ».

Féminisation de la pauvreté

Interrogé sur les causes de ces évasions spectaculaires, Muhodera Pascal a évoqué la pauvreté de la population comme la principale cause de ce phénomène. Une pauvreté provoquée, en parti, par la maladie des bananeraies,une source sûre de revenu pour la majorité de ces femmes. Les bananeraies ont été attaquées par le Wilt bactérien, qui provoque une maladie qui tue ces plantes, et cela explique que plusieurs d'entre ces femmes ne soient plus à mesure de subvenir à leurs besoins fondamentaux et à ceux de leurs enfants, y compris ceux relatifs aux soins de santé.

Pour réduire ces cas d'évasions, le centre hospitalier essaie de mettre en place quelques politiques, notamment la suppression de la caution que doivent verser les malades avant de recevoir tous les soins en hospitalisation, demandant à la place que les malades payent 10 dollars américains après trois jours d'hospitalisation. Le médecin chef de zone de Kavumu, a pour sa part fait savoir que le centre hospitalier est également en train de travailler sur la mise en place d'une liste de personnes déclarés indigents afin de leur permettre de bénéficier des soins gratuits. Mais, entre-temps l'hôpital
se déploie à faire de la sensibilisation auprès des malades et de la population sur l'importance à adhérer aux mutuelles de santé pour accroître leur accessibilité aux soins de qualité.

L'autonomisation de la femme devient plus qu'une nécessité.

« Le centre hospitalier de Kavumu fonctionne par des moyens de bords »,confie une autre source proche du centre. Il ne bénéficierait pas d'une subvention de l'Etat.
Seul un petit nombre du personnel serait pris en charge par l'Etat. La seule subvention dont bénéficierait ce centre serait celle de l'Agence d'Achat de Performance (APP). Malgré cela, et par souci de sauver des vies humaines, l'hôpitalcontinue chaque jour de recevoir et de soigner des malades. Il y a tout de même lieu de s'interroger sur la viabilité de ce centre hospitalier mais aussi sur la qualité des soins administrés aux malades qui le fréquentent.

Cette histoire soulève encore une fois la question de l'importance de l'autonomisation des femmes. Comme l'indiquent les statistiques en notre possession, parmi les évadés du centre hospitalier de Kavumu, les femmes sont largement en tête. Il faudrait donc penser des stratégies pour faciliter leur accès aux activités génératrices de revenus pouvant leur permettre de se prendre en charge, elles et leurs enfants mais aussi d'adhérer massivement aux mutuelles de santé.

Au Sud-Kivu, les mutuelles de santé ont été créées en 1997 dans un contexte de guerre pour palier (grâce à la force du plus grand nombre) au faible niveau d'accessibilité financière aux soins de santé par une cotisation de 2 à 6 dollars américains par an et par personne au sein du ménage. Pour ceux
qui adhèrent moyennant une cotisation de 2 dollars, les mutuelles prennent en charge 80% des frais des soins tandis que pour ceux qui cotisent 6 dollars, la charge est prise à 100%.

Judith CUMA