Kavumu : le viol des bébés persiste face à des enquêtes bâclées
Pour réagir face à ce phénomène qui terrorise la communauté, la société civile de Kavumu a proposé en septembre 2014, au cours d’une séance dans le conseil de sécurité, de s’associer aux patrouilles mixtes entre la police et les militaires. Mais cette mesure a vite suscité des polémiques et sera levée par les policiers en concertation avec les militaires.
25-02-2015 14:53:02
Plus de 35 cas de viol d'enfants ont été répertoriés depuis juin 2013 dans le centre commercial de Kavumu au Sud-Kivu. Toutes les actions entreprises par les autorités s'avèrent jusqu'ici infructueuses.
Le climat ambiant d'impunité apparaît comme la première cause de la persistance de ces cas de viols commis avec extrême violence sur des mineures. Les parents des victimes ainsi que les habitants de Kavumu accusent les autorités policières et judiciaires d'agir avec passivité dans la poursuite et la condamnation des auteurs de ces actes qu'ils qualifient d' « ignobles ».
Les habitants décident de se prendre en charge.
Pour réagir face à ce phénomène qui terrorise la communauté, la société civile de Kavumu a proposé en septembre 2014, au cours d'une séance dans le conseil de sécurité, de s'associer aux patrouilles mixtes entre la police et les militaires. Mais cette mesure a vite suscité des polémiques et sera levée par les policiers en concertation avec les militaires.
« Notre proposition a été bien accueillie au sein du conseil de sécurité par d'autres autorités. Mais quelque mois plus tard, les policiers et les militaires nous ont interdit de continuer ces patrouilles (...) ils nous ont expliqué que le travail de la société civile n'est pas d'assurer la sécurité des populations (...) pourtant pendant ces patrouilles, les viols n'ont pas été signalés », explique, contrarié, Mr. Alain Shukuru, responsable du Bureau d'Etude pour le Droit de l'homme et la Bonne Gouvernance.
La démotivation des habitants
Parmi le 35 cas de viol commis sur les enfants, il y a eu seulement deux arrestations. Cependant, de ces deux présumés auteurs, l'un a pris la fuite et l'autre demeure en détention. Les parents de certaines victimes affirment même avoir reçu des menaces de mort alors qu'ils demandaient des informations sur l'évolution du dossier auprès de la justice.
« La seule fois où j'ai posé la question sur l'évolution du dossier auprès du parquet de Kavumu, les policiers et les juges qui s'y trouvaient m'ont menacé et m'ont demandé de ne plus jamais poser cette question (...) Nous n'avons pas le pouvoir de la police ni ses attributions. Mais en tant que parents de la victime, j'ai le droit d'être informée » explique une mère d'une victime, désespérée.
Pour d'autres parents des victimes, les auteurs ne sont jamais connus et les autorités juridico-policières ne se sont pas impliquées suffisamment pour les retrouver et les sanctionner.
La police se contredit
Dans tout le territoire de Kavumu, d'une étendue de plus de 1960 Km², on ne dispose que de 255 policiers pour sécuriser les citoyens et leurs biens. Nombre qui paraît bien insuffisant pour assurer la sécurité de plus de 700.000 personnes. Pourtant la police affirme faire son travail comme il se doit. « Malgré l'effectif réduit de la police, nous nous efforçons de toujours bien faire notre travail de sécurisation de la population et de leurs biens », tente de justifier un policier.
Actuellement, les habitants de Kavumu vivent dans la peur et le traumatisme vu la lenteur avec laquelle les autorités policières et judiciaires agissent. Mais la société civile souligne qu'il « n'y a pas de fatalité » et appelle à « dénoncer le viol de nos enfants, créer des mécanismes d'alerte pour restaurer la sécurité dans nos quartiers et mettre fin à l'impunité ».
Maguy Buhendwa