Quelle considération pour les femmes transporteuses ?

23-09-2014 08:56:25

« Les femmes transporteuses s'indignent de la façon dont elles sont traitées par ceux qui les emploient. De fois, elles transportent de lourds fardeaux pour quelqu'un et puis on leur demande de venir récupérer l'argent le lendemain, elles se demandent pourquoi elles sont maltraitées ainsi » signale un message au système Femme Au Fone FAF en provenance du territoire de Walungu au cours du mois d'aout 2014.

Guerres, pauvreté et chômage

A cause des guerres à répétition que l'est de la République Démocratique Congo a connue et de l'insécurité qui règne encore jusqu'à ce jour dans certains villages du Sud-Kivu, des nombreuses familles se sont déplacé des villages pour vivre en ville.

En ville, il n'y a pas du travail pour tout le monde et c'est, en majorité, les femmes qui se débrouillent pour la survie de leurs familles. Certains hommes sont irresponsables et ne jouent plus leurs rôles de maris; d'autres sont partis en brousse pour exercer le petit commerce et ne sont pas revenus et d'autres encore n'ont pas du travail et ne savent pas quoi faire pour aider leurs familles.

Beaucoup de ces femmes fuyant la guerre et l'insécurité sont venues s'installer dans les milieux périphériques de Bukavu, capitale du Sud-Kivu .Elles n'ont pas les moyens pour faire le petit commerce, le seul travail qu'elles peuvent faire c'est transporter des fardeaux pour les autres et avoir un peu d'argent pour pouvoir survivre, on les appelle « femmes porte faix ou transporteuses ».

Un autre message au système Femme au Fone ajoute :

«Ici chez nous à Kalonge, les femmes porte faix vont transporter des braises dans la forêt, elles rentrent très tard la nuit ; elles y vont souvent avec leurs filles mineures qui les aident dans ce travail, elles courent beaucoup de risque par rapport à leur sécurité».

Les dos des ces femmes transportent des fardeaux qui pèsent le double de leur poids, nous le voyons au niveau du marché Beach Muhanzi, dans les rues de Bukavu et des territoires avec des colis de 100Kg, 80kg voire même 120kg et après elles ne gagnent que quelques francs congolais par course.

«Je souffre beaucoup, je vis seule avec 4 enfants, je transporte les fardeaux pour les autres pour nourrir, vêtir mes enfants et même pour payer mon loyer, mon mari est parti depuis longtemps dans les carrés miniers et je n'ai plus de ces nouvelles», témoigne avec amertume une jeune femme d'une trentaine d'années rencontrée à la frontière Ruzizi, entre Bukavu et la localité rwandaise de Kamembe, avec un sac de 100kg au dos.

«A cause de la pauvreté, des femmes travaillent très dur pour avoir de quoi nourrir les familles» souligne avec regret Angèle BAHIGE coordinatrice de l'ONG Appui aux Initiatives du Bien Etre Familial, AIBEF, une organisation qui travaille pour la promotion et la défense des droits des femmes à Bukavu.

Des conséquences sur la santé

Docteur Julien ZIRIRANE médecin à l'hôpital général de référence de Panzi explique :« ces femmes sont exposées à des maladies gynécologiques de toute sorte comme des maux de dos et au niveau de l'utérus, de prolapsus anale et utérin, les hémorragies, les courbatures, des maux de reins etc.Malheureusement ces femmes sont démunies, elles ne sont même pas en mesure de se payer les frais des soins de santé; l'argent qu'elles gagnent les permet seulement de vivre au jour le jour, elles ne peuvent même pas épargner pour prévenir une éventuelle maladie, quand elles arrivent à l'hôpital elles ne sont même pas en mesure de payer leur factures».

Elles sont parfois maltraitées

Georgette Cigoho, femme transporteuse depuis plus de 5ans et responsable de l'association des femmes porte faix au niveau du marché Beach Muhanzi indique qu'elle touche entre 700 franc congolais et 1000 FC (environ 1dollar américain) pour un colis de 100kg. Elle demande aux commerçants et aux femmes qui les emploient de les respecter, de les payer comme convenu et de n'est pas les injurier dans leur travail. «De fois, ceux qui nous demandent de transporter leurs colis, nous insultent et nous traitent de rien du tout et cela nous fait très mal », ajoute Georgette Cigoho.

Les femmes transporteuses se plaignent de la façon dont elles sont traitées par ceux qui les emploient, parfois les distances sont longues et le montant qu'elles reçoivent est dérisoire.

«Moi le dos me fais souvent mal mais je ne rien d'autre à faire, j'ai 6 enfants, mon mari n'a pas du travail, je viens transporter chaque jour ici à cause de la pauvreté pour faire vivre ma famille », explique une autre femme porte faix au niveau du Beach Muhanzi.

Et la responsabilité de l'Etat ?

Angèle Bahige pense que c'est important que le gouvernement prenne des mesures pour aider ces femmes qui n'ont rien à faire que transporter, d'améliorer leur condition sociale en votant des édits pour leur sécurité sociale.

Pour sa part, Annie Bulonza de l'observatoire de la parité demande aux autres femmes et aux commerçantes qui emploient souvent ces femmes portes faix de les respecter et de les payer le montant qui convient au fardeau transporté.

Les organisations de défense de droits de l'homme du Sud-Kivu comme Héritiers de la Justice et groupe Jérémie qualifient cette situation d'une pure exploitation socio-économique des personnes marginalisées qui nécessitent une application de la loi.

Notons que dans la constitution de la RD Congo à son article 36 alinéas 1, 2 et 3 stipulent que « le travail est un droit et un devoir sacré pour chaque congolais. L'Etat garantit le droit au travail, la protection contre le chômage et une rémunération équitable et satisfaisante assurant au travailleur ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine, Nul ne peut être lésé dans son travail en raison des ses origines, de son sexe, de ses opinions, de ses croyances ou de ses conditions socio-économiques».

Eliane POLEPOLE