Sud-Kivu : Des arrangements à l'amiable continuent à se pratiquer en cas de viols!

03-09-2014 10:34:24

A Kalehe, une fille  a été violé par un jeune étudiant, pour cacher la honte, les parents de deux familles ont fait l'arrangement à l'amiable, dans leur dialogue, le garçon était obligé d'épouser la fille car elle était déjà enceinte, il a accepté mais a promis de verser la dot après, maintenant ils ont un enfant, la famille de la jeune fille attend toujours la dot et cela crée des mésententes entre eux. C'est l'un des messages arrivés au Système femme au Fone.

Un autre message en provenance de Nyabibwe : une fille de 15 ans a été violée par un homme de 57ans, les parents de la victime sont allés à la police pour déposer la plainte mais après quelques jours l'homme qui était emprisonné a été relâché tout simplement car il est bien connu par les autorités locales du milieu.

Au Sud-Kivu, lorsqu'une fille ou femme est victime d'un acte de viol, certaines familles recourent à l'arrangement à l'amiable pour résoudre le problème au lieu d'envoyer le dossier à la justice. Cette situation arrive souvent quand la famille du présumé coupable d'acte de viol a des liens avec la famille de la victime ou bien lorsque les parents de la victime ne veulent pas faire savoir à toute la communauté que leur fille a été violé.

Cette problématique d'arrangement à l'amiable touche tous les coins de la province du Sud-Kivu car les SMS reçus à l'ordinateur-système de Femme au Fone proviennent de 7 territoires sur le 8 que compte la province. Ces SMS sont venus de : Kabare, Idjwi, Kamanyola dans le territoire de Walungu, Mwenga, Shabunda, Fizi, Kalehe et de Bukavu

Pourquoi des cas des arrangements à l'amiable?

Dans les SMS arrivés au système Femme au Fone les raisons qui poussent certaines familles à recourir à l'arrangement à l'amiable sont les suivantes :

- La pauvreté

-L'ignorance de la loi sur la violence sexuelle en RD Congo

-La non application effective de la loi sur la violence sexuelle

-Vouloir cacher la honte de la jeune fille victime et garder le secret en famille

-Manque de confiance en la justice

-Éviter la stigmatisation de la victime par la communauté

Maître Papy Kajabika, avocat au tribunal de grande instance de Bukavu et responsable de l'ONG Vision Sociale, souligne que « la plupart de celles qui sont victimes de viol ne vont pas à la justice car en cette matière le jugement est prononcé mais l'exécution de ce jugement est souvent partielle. L'arrangement à l'amiable est à éviter car il favorise l'impunité et fait échapper l'auteur à la justice ».

Lorsque les victimes estiment que la justice est corrompue et que la loi sur la violence sexuelle n'est pas respectée, elles n'ont pas le courage de déposer leurs plaintes et préfèrent dialoguer en famille pour un arrangement à l'amiable ajoute madame Capiten Mbassu qui travaille avec ces victimes en milieux ruraux au sein de l'ONG International Médical Corps(IMC).

Pour sa part le psychologue Buhendwa Wendo fait savoir que lorsque l'arrangement à l'amiable se fait sans la victime, elle va subir une forte blessure, cette victime est déjà violée, elle va continuer à souffrir intérieurement si personne ne s'occupe d'elle,car souvent les deux familles dialoguent sans la participation de la victime, on décide de sa vie sans son implication ni son consentement.

La victime d'un cas de viol a besoin d'être suivie psychologiquement, d'être écouté et d'avoir son point de vue sur tout ce qui doit être décidé sur sa vie.

Que dit la loi congolaise en cas de viol?

L'article 170 de la nouvelle loi sur la violence sexuelle de juillet 2006 modifiant et complétant le code pénal congolais défini le viol et stipule à son dernier paragraphe que «quiconque sera connu coupable sera puni d'une servitude pénale de cinq à vingt ans et d'une amende ne pouvant être inférieure à cent mille francs congolais constants.

Est réputé viol à l'aide de violences, le seul fait du rapprochement charnel de sexes commis sur des personnes désignées à l'article 167, alinéa 2»

Notons cependant que dans la nouvelle loi sur la violence sexuelle l'expression arrangement à l'amiable ne ressort pas mais, dans cette loi, le législateur met un accent sur le terme d'amende transactionnelle qui est le fait de vouloir effacer certaines infractions lorsque l'auteur paie une somme quelconque à la partie plaignante pour vouloir mettre fin à des accusations, à fortiori l'arrangement à l'amiable.

Que faire pour décourager cette pratique d'arrangement à l'amiable?

Pour limiter les cas d'arrangement à l'amiable, maitre Papy Kajabika rappelle que l'État congolais a l'obligation de protéger, de promouvoir et de faire respecter les droits des victimes de toutes sortes de violences sexuelles. C'est important selon lui que l'exécution de jugement soit effective car à ce jour en province moins de 1% de victimes reçoivent les dommages et intérêts. Même si l'auteur est condamné et est en prison s'il n'y a pas réparation civile ce jugement n'a pas son bien-fondé.

Madame Kinja Barolere de l'Association du Barreau Américain(ABA) pense quant à elle que « les victimes doivent avoir le courage de dénoncer le cas de viol dont elles sont victimes et que la justice doit faire bien son travail pour n'est pas décourager celles qui ont déjà déposé leur plaintes. »

Eliane POLEPOLE

Journaliste Femme au Fone au Sud-Kivu