Un marché des organes génitaux des femmes à Kavumu?
‘’Nous avons l’obligation de protéger ces enfants et ces bébés… Il est temps que l’Etat prenne ses responsabilités.’’
27-05-2014 10:22:41
Depuis le début de l'année 2014 jusqu'au mois de mars, l'hôpital de Panzi, à Bukavu, a reçu 10 cas de viol (femmes adultes et enfants). Pour le mois d'avril seulement, les médecins ont traité cinq cas des enfants et des bébés violés, elles étaient toutes des filles. Toutes provenaient de la cité de Kavumu, située à près de 30 Kilomètres de la ville de Bukavu.
''Les enfants et les bébés victimes subissent une mutilation. Cela veut dire en d'autre mot qu'on a pris de ces victimes leurs matrices'' s'expriment certains des hommes et des femmes interviewés par Femme Au Fone. ''D'autres pensent qu'une fois les matrices enlevées des enfants, on les utilise pour des fins surnaturels ou de sorcellerie''.
Pour confirmer ces informations venues de la population de Kavumu, nous avons rencontré le Gynécologue qui traite ces enfants et bébés, le docteur Denis Mukwegue.
Femme Au Fone (FAF) : vous êtes le médecin traitant de cas de viol des enfants et de bébé à Kavumu, combien d'enfants avez-vous reçu ?
Docteur Mukwege (DM): depuis le mois d'avril nous avons reçu cinq cas, la victime la plus jeune avait quatre mois et la plus âgée avait sept ans
FAF : les habitants de Kavumu pensent que les victimes ont été mutilées, par le fait d'enlever leurs matrices. Qu'avez-vous réellement observé lorsque vous avez soigné ces enfants ?
DM : les victimes que nous avons reçu à l'hôpital de Panzi, avaient toutes leurs matrices. L'opération d'enlever la matrice d'une femme, dont parle certaines personnes ne peut se faire sans la présence d'un médecin. Cela fait couler beaucoup de sang de telle façon que si cela ne se passe pas en présence d'un médecin, la femme peut mourir.
- J'ai peur !
Comment est ce que les gens peuvent raconter des histoires et le faire passer comme réelles à la population moins instruite ? On pourrait croire qu'il existe un marché pour les matrices des femmes ?! Que ça soit clair pour tout le monde, il n'existe pas de marché pour les matrices des femmes. Ça veut dire que les gens qui ont commis le viol l'ont fait pour détruire les vies de ces enfants et de ces bébés. Et cela car ces personnes ne sont pas punies, car ces personnes ne répondent pas de leur actes auprès des cours et tribunaux.
FAF : pouvez-vous alors nous décrire l'état dans lequel vous avez trouvé ces enfants ?
DM : nous avons vu que leur vagin était détruit, leur anus aussi. Cela veut dire que les présumés violeurs sont rentrés certains par le vagin et d'autres par l'anus. Ça veut dire aussi que ces enfants et bébés ont étés violés par les grandes personnes qui ont saccagé leurs appareils génitaux et digestifs.
Pour moi les hommes congolais ne doivent pas être identifiés par ces actes des barbaries. Comment est ce que les enfants de moins d'une année deviennent maintenant la cible des hommes ? Il est temps que tout le monde se mette débout pour mettre fin aux viols.
FAF: C'est la première fois que vous soignez de cas de viol des bébés et des enfants ?
DM : la première fois que je soignais le cas de viol des enfants de moins de 5 ans c'était l'année passée. J'ai même fait une conférence de presse pour dénoncer et on a cru la situation s'améliorer. Mais cette année, cela se répète encore. L'année passé l'enfant victime avait trois ans et venait de Kamituga.
Imaginez-vous ? 11 cas venant de Kavumu et un cas de Kamituga l'année passée et 15 cas (femmes adultes et enfant) depuis le début de l'année 2014. Je peux vous dire aussi que même pour moi ce n'est pas facile de soigner ces enfants vu leur âge. Ca fait très mal et c'est déplorable.
FAF : pouvons nous dire qu'il y a un espoir de guérison pour ces enfants ?
DM : il y a celles là qui ont été vraiment détruites, et honnêtement on ne peut pas dire avec précision comment ces enfants seront à l'âge de 18 ans, je ne sais même pas si ces enfants auront les rapports sexuels normaux vu la façon dont elles sont détruites. Cela demande vraiment une étude au préalable.
FAF : qu'est ce qui peut être fait pour mettre fin aux viols en particulier celui commis sur des enfants et des bébés ?
DM : d'abord pour les habitants, nous avons l'obligation de protéger ces enfants et ces bébés et même les femmes adultes. Du coté de l'Etat, c'est de sa responsabilité de protéger la population.
Mais la question qui se pose est de savoir où se trouve l'Etat quand sa population subit les barbaries des personnes non autrement identifiées ? Il est temps que l'Etat prenne ses responsabilités.
Maguy Buhendwa, Femme Au Fone