Le Colonel Honorine Munyole parle de la violence domestique au Sud Kivu
"Elles ne veulent pas être mal vues par la société. C'est ça le grand blocage!"
16-05-2014 13:19:37
Partant des objectifs du millénaire pour le développement la mortalité maternelle continue à être une réalité en République Démocratique du Congo en général et dans la province du Sud Kivu en particulier.
La RDC s'est fixé comme objectifs de réduire l'extrême pauvreté et la faim de sa population, d'assurer l'éducation primaire pour tous, promouvoir de l'égalité de sexe et l'autonomisation des femmes.
Femme au Fone [FAF] s'est entretenue, entre autres, avec la femme chargée de protection des enfants et des femmes victimes des violences domestiques à la police, Colonel Honorine Munyole [HM], pour savoir comment la police accompagne-t-elle ces femmes et quels sont encore les défis à surmonter face à cette violence couverte et normalisée maintes fois par les coutumes et la culture machiste.
FAF : Colonel Honorine Munyole, il existe des violences domestiques dont sont victimes les femmes. Est-ce que vous recevez des telles plaintes de ces femmes ?
HM : Nous en tant que police, notre travail est de protéger la population et prévenir toute chose qui pourra nuire à sa survie. Concernant cette question des violences domestiques, plusieurs femmes aujourd'hui en sont victimes. A notre niveau, nous sommes souvent saisies par ces femmes. Et souvent, dans leurs plaintes nous analysons les faits pour y dégager des fautes en l'encontre de la loi congolaise. Nous mettons les preuves ensembles et nous soumettons les auteurs au niveau de la justice comme dans les instances judiciaires. Ces problèmes insécurisent trop les femmes. Il y a celles-là qui sont frappées par leurs maris dans le foyer ou encore par les enfants de leurs maris si elle s'est mariée à un homme veuf ou qui s'est séparé de sa femme. Autre chose, elles parlent souvent des cas tels que elles vivent dans leurs foyers sans jouir de ce foyer, soit le mari ne lui donne pas la ration, il ne se soucie pas d'elle, il ne la considère pas comme une femme au lit, aucune assistance de la part de son mari, tout ce qu'elle reçoit ces sont des injures, des gifles et elles sont exclus dans l'héritage.
FAF : Et souvent ces femmes quand elles viennent à la police, elles cherchent quel genre d'aide ?
HM : la plupart des fois elles sentent qu'elles sont arrivées à la fin et qu'elles n'en peuvent pas, tellement elles risquent leur vie. Elles sont passées par plusieurs sortes de négociations avec leur mari, mais sans succès. Là elles veulent que la police les aide à retrouver leurs droits bafoués.
FAF : Et que faites-vous pour les accompagner ?
HM : Les accompagner c'est les accueillir d'abord, les écouter, par après nous étudions les faits et dégager les infractions à la loi congolaise. Apres avoir mis les preuves ensembles, si la femme est d'accord nous appelons les deux parties pour réparation mais si le cas s'avère très grave, la justice s'en charge. Mais à un certain niveau nous sommes bloquées quand c'est la femme qui veut aller en justice contre son mari. Peut-être elle a déjà beaucoup d'enfants avec lui, et là, la femme sent qu'elle est incapable parce qu'elle estime que seule, elle ne peut pas élever ses enfants. Là la femme est découragée. Il y a aussi des filles qui sont mal traitées par leurs papas mais quand il faut la justice, la fille dit qu'elle ne peut pas y arriver. Elles ne veulent pas être mal vues par la société. C'est ça le grand blocage !
FAF : Et malgré cela, ont-elles la volonté d'aller saisir la justice ?
HM : Oui elles ont la volonté mais elles sont découragées à la fin par rapport aux blocages qu'elles ont à un certain niveau.
FAF : Quel message donnerais-vous devant cette réalité de violence au sein de a famille ?
HM : Le message s'adresse d'abord aux hommes : qu'ils aiment leurs femmes, qu'ils les respectent et les considèrent comme des êtres au même titre qu'eux et non comme des objets. Ils doivent également connaitre les droits de la femme et les respecter. La plupart des hommes s'accrochent aux matériels, s'il a de l'argent, il donne à cet argent plus de valeur qu'à sa femme. Ça ce n'est pas bien. Aux femmes de respecter aussi leurs maris pour vivre en harmonie dans le foyer. Beaucoup des femmes ne connaissent pas leurs droits, a cela je demande aussi aux organisations et associations œuvrant dans ce domaine de multiplier des sensibilisations pour que les femmes connaissent leurs droits, les sensibiliser surtout en rapport avec la résolution 1325 des Nations Unies et autres normes nationales et internationales en rapport avec les droits de la femme. Sensibiliser enfin les hommes sur ces droits de la femme et les respecter.
Raissa Kasongo, Femme Au Fone.
· Colonel Honorine Munyole, policière chargée de la protection des enfants et des femmes victimes des violences au Sud Kivu.