Information indispensable sur la sécurité en Rd Congo

Ecrit par Luz Piedad Caicedo, chercheuse à Corporación Humanas Colombia, Colombie.

01-06-2015 21:09:50

L'attentat contre les Tours Jumelles perpétré le 11 septembre 2011 brisa l'idée de la sécurité humaine promue par le PNUD qui se focalisait sur les individus et non sur les États ; qui sous-entendait que seule une réponse aux besoins et à la dignité de chacun peut garantir la sécurité.

Femme au Fone (FAF), un système de communication et d'information expérimenté au Sud-Kivu, dans l'est de la République Démocratique du Congo, récupère à travers les voix de centaines de personnes, en majorité celles de femmes, l'idée que la sécurité est atteinte quand il n'y plus de menaces constantes « telles que la faim, des maladies et la répression (en plus) des perturbations soudaines et négatives de la vie quotidienne, aussi bien dans les foyers, sur les
lieux de travail ou dans les communautés », comme l'énonçait le PNUD en 1994 et que ce rapport reprend à son compte Échos sur la sécurité de la femme. Femme au Fone, une année au Sud Kivu, réalisé par FAF et qui présente le résultat de l'analyse des messages envoyés pendant presque toute l'année 2014 (de janvier à septembre)1.

Pour les femmes qui font appel au système FAF, les menaces sur leur sécurité sont le fait de ne pas avoir d'emploi ou d'avoir un travail dont le salaire ne permet pas de maintenir leurs familles, de ne pas compter sur un partenaire solidaire au foyer, le manque d'eau et d'assainissement. Il y a aussi toutes les formes de violence et de discrimination que ne leur permettent pas de bénéficier d'une autonomie économique ni de l'autodétermination. 

Pour ces femmes, les politiques de sécurité basées sur la militarisation et l'augmentation des forces de police sont des facteurs d'insécurité. Les barrages militaires sont identifiés comme étant des lieux amplifiant les risques de violence physique, sexuelle et économique (en raison des extorsions).

Un système pour les femmes

Le système FAF a débuté en novembre 2013 et son quartier général est la Radio Maendeleo, la radio la plus populaire au Sud Kivu qui est située dans la capitale Bukavu. FAF, comme l'énonce le rapport, « récolte et diffuse de l'information sur Sécurité, Paix, Protection, Prévention et Participation (piliers de la Résolution 1325 des Nations Unies) des femmes vivant en milieu rural et zones urbaines du Sud Kivu ».

L'analyse des SMS reçus permet d'identifier les sujets sur lesquels il faut sensibiliser la population. FAF, en plus de regrouper des informations sur l'insécurité des femmes, diffuse aussi des émissions radio dans lesquelles les menaces décrites dans les SMS sont abordées. La justice populaire appliquée aux femmes accusées de sorcellerie; l'abandon scolaire des filles; les dangers encourus par les commerçantes sur les routes et dans les marchés; la santé maternelle; les barrages militaires et policiers; le mariage précoce; le viol des jeunes filles; ou les problèmes de manque d'eau potable sont quelques-unes des thématiques qui préoccupent les femmes qui envoient des SMS et qui ont été traitées lors des émissions de radio.

Les possibilités offertes par ce système pour renforcer l'esprit de la Résolution 1325 sont énormes. Cette résolution est la première de toute une série de résolutions émises par le Conseil de Sécurité de Nations Unies qui prétendent encourager les états pour qu'ils fassent tout ce qui est possible afin de garantir que les femmes soient prise en compte dans tous les processus de construction de la paix et de résolution des conflits, qu'elles soient traitées en fonction de leurs
particularités et qu'il leur soit garantit protection et sécurité. Mais cette Résolution a produit peu de résultats durant les presque 15 années d'implémentation. Le manque d'information systématique en provenance du terrain rend difficile un suivi des plans d'action censés mettre en œuvre la résolution (quand les dits plans d'action existent). FAF est une source d'information magnifique qui démontre qu'il est possible de combler ces lacunes.

Des risques avec des variantes

D'un autre part, le système FAF rend possible l'identification des facteurs de risque les plus communs auxquels les femmes sont confrontées, permet de les régionaliser et les particulariser. C'est ainsi que les données récoltées à travers les SMS envoyés pendant les premiers mois de 2014 ont permis d'avertir que les risques contre les femmes ont des variantes. En effet, comme l'a noté le rapport à « Fizi, ce qui prédomine comme incident ce sont les problèmes aux barrages
militaires, mais aussi la présence des groupes armés et des personnes déplacées par les conflits. À Shabunda, mariage précoce et présence des groupes armés. À Kalehe, accusations de sorcellerie. À Mwenga, mariage précoce, absence de routes praticables et presque aucun mariage civil ».

Les SMS renforcent ce que le féminisme dénonce : la violence contre les femmesest le risque qui les affecte le plus; cette violence est exercée contre ellesindépendamment de son cycle vital, dans tous les contextes (de guerre ou de paix) et dans tous les domaines (publics et privés).

Même s'ils insistent sur tout ce quel'on sait, les particularités sont évidentes dans la caractérisation territorialesusmentionnée. Ces connaissances spécifiques sont décisives pour la mise enaction des principes généraux de prévention de la violence dans des contextes spécifiques.

Cela vaut la peine de reprendre, pour conclure, les lieux qui ont été identifiéscomme étant les plus dangereux après analyse des SMS : « a. Les champs, leterrain où l'on cultive; b. Les sources d'eau; c. La maison; d. Le marché; eL'école ». Tous ces endroits sont vitaux pour l'économie familiale et personnelle.Ne pas pouvoir cultiver, ni aller chercher de l'eau, ne pas pouvoir aller au marchéni à l'école de peur d'être agressée confine les femmes dans l'orbite du foyer oùelles ne sont pas non plus protégées. C'est pour cela qu'une femme affirme dansune des interviews réalisées par l'équipe de FAF qu'une façon d'avoir de lasécurité « est que nous les femmes perdions notre peur et que nous prenions en main notre destin ». Bien sûr que la détermination individuelle n'est pas suffisanteet beaucoup de changements doivent être réalisés.
Elles proposent des changements quotidiens et pratiques (par exemple avoir del'électricité ou des toilettes adéquates); dans ce qui est du comportement (avoirrecours toujours au dialogue) et des changements structuraux (suppression descoutumes discriminatoires qui provoquent la violence envers les femmes).

FAF a entre ses mains une ressource qui permet, comme cela est proposé depuisle début, de regrouper les problèmes des femmes, leurs préoccupations et lessolutions qu'elles-mêmes proposent « en préservant leurs propres paroles ehistoires ».


1 Il s'agit du rapport Echos sur la sécurité de la femme. Femme au Fone, une année au Sud Kivu, réalisé en janvier 2015 par l'équipe de Femme au Fone : Yvette Mushigo, Esther Tutekemene, Judith Cuma y Tatiana Miralles. Coordination: Bob van der Winden (Medio Foundation) et Blanca Diego Vicente (WorldCom Foundation-LolaMora Producciones).