Le mariage précoce, une réalité vivante au Sud-Kivu!

28-08-2014 09:00:09

Les mariages précoces deviennent de plus en plus récurrents dans la ville de Bukavu et plus encore dans les milieux ruraux.

Les messages reçus au système Femme au Fone en témoignent.La plupart des cas reçus sont venus des territoires de Shabunda et de Mwenga sans exclure d'autres cas isolés dans les autres parties de la province comme Walungu, Kabare, FIZI et Kalehe.

Ces messages parlent des mariages précoces comme une autre forme d'insécurité à l'égard de la femme: «le mariage précoce insécurise la femme de Mwenga car elle a du mal à gérer les affaires familiales par manque d'expérience, d'où il faut une grande sensibilisation» fait savoir un message en provenance de Mwenga.

Plusieurs raisons sont invoquées et sont à la base du fait que les filles se sentent attirées vers des mariages précoces dénués de tout élément constitutif d'un mariage avant l'âge requis.

Entre autre raisons avancées figurent le poids de l'influence subie par l'acceptation de certaines communautés des mariages des jeunes n'ayant pas atteints 18 ans comme nous dit ce message toujours en provenance du territoire de Mwenga: "ici chez nous les filles tombent enceinte avant d'atteindre 18 ans; elles sont obligées pour ce faire de se marier par peur d'être ridicule au village."

Certaines filles âgées de moins de 18 ans cèdent aux caprices de virilité de jeunes hommes «qui veulent tout simplement satisfaire leur curiosité sexuelle et prouvé qu'ils sont capables d'engendrer» ajoute un autre message au système Femme au Fone.

La plupart des messages ont également évoqués le fait que certains parents marient leur fille par force tout simplement parce qu'ils vivent dans une situation de pauvreté et cherchent un peu d'argent: "chez nous à Shabunda les causes du mariage précoce sont multiples, il y a la pauvreté qui pousse certaines familles à marier précocement leur fille pour avoir un peu d'argent pour survivre."

Ces raisons repris dans le message du système Femme Au Fone, ont complétés les avis des invités à l'émission FAF diffusé tout le samedi sur radio Maendeleo, une chaîne partenaire au projet Femme au Fone..

Pour Benjamin KALUMIRE de l'Association pour la Défense des Droits du Secteur de Sécurité et Militaire, ADROSMILE en sigle et point focal du processus de plaidoyer sur la problématique des mariages précoces dans le territoire de Shabunda , «une fille mariée à moins de 18 ans d'âge n'a pas la compétence de gérer une famille».

Pour lui, cette femme se trouve diminuer sur le plan psychologique et physiologique et devient tout simplement "un objet de manipulation de la part de l'homme". Conséquence, "son soit disant mari peut s'en débarrasser à n'importe quel moment de la vie".

«Certaines formes de violences domestiques que connaissent les femmes plus tard tirent leur origine dans ces mariages précoces et donc constituent un élément d'insécurité pour les femmes et les filles». Ajoute Benjamin KALUMIRE.

L'avocat Justin BAHIRWE et coordonnateur de l'ASBL SOS IJM Information Juridique Multisectorielle, affirme quant à lui que la législation congolaise traduit en infraction un mariage conclut précocement . Ce genre des mariages sont considérés sans consentement de la part d'une fille âgée de moins de 18 ans, et sont donc des mariages forcés et punit par la loi de juillet 2006 qui réprime les violences sexuelles en République Démocratique du Congo.

Pour lui, selon la la loi congolaise, «cette fille est considérée comme mineure et par conséquent elle ne peut plus consentir, c'est-à-dire, accepter de s'engager au mariage, et le défaut de consentement rend un mariage nul».

Pour sa part le médecin NADIA de l'Inspection Provinciale de la Santé, IPS souligne que le corps d'une femme de moins de 18 ans présente d'énormes risques de complication lors de l'accouchement; un bassin non développé ouvre la voie à un accouchement césarien.

Peut-on justifier le mariage précoce par le code de la famille congolais?

Lors de l'émission femme au fone, maître Justin BAHIRWE dans ses analyses a insisté sur le fait que la loi n°06/018 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal congolais qui a introduit les infractions de violences sexuelles dans la grille des infractions en droit pénal congolais n'est pas en contradiction avec le code de la famille congolais.

En effet, cette loi de 2006 réprimant les violences sexuelles estime qu'une fille âgée de moins de 18 ans est une mineure, par conséquent la contraindre au mariage est considérée comme une violence sexuelle. Et donc cette loi fixe à dix-huit ans révolus la majorité de la fille.

Par ailleurs, le code de la famille lui reconnaît que la fille peut se marier à l'âge de 16 ans sans problème.

Pour maître Justin BAHIRWE, « la loi sur les violences sexuelles priment parce que certains articles du code de la famille sont appelés à disparaître car ils sont non conformes à la loi suprême du pays qui est la constitution qui fixe la majorité de la fille à 18 ans».

La coutume n'encourage pas les mariages précoces

La chef coutumière de la chefferie de Luwindja dans le territoire de Mwenga et député provinciale, Madame Espérance MWA BAHARANYI,fait savoir que "la coutume n'est pas à la base des mariages précoces dans les milieux ruraux".

En tant que chef coutumier, elle soutient que la coutume ne peut pas s'appliquer lorsqu'elle est contraire à la loi. Si le mariage précoce se vit encore, est accepté et toléré par certaines communautés, c'est plus les intérêts économiques qui guident et constituent une solution devant la honte causée par une fille qui s'est fait engrosser, qu'une coutume qu'on pense s'imposer. Pour elle, les parents doivent être responsables en évitant de contraindre leurs enfants de moins de dix-huit à contracter mariage.

Espérance MWA BAHARANYI estime qu'elle et les autres chefs coutumiers ont une lourde responsabilité dans la sensibilisation des parents et des jeunes filles pour éviter les cas des mariages précoces dans les milieux ruraux.

Les mariages précoces sont et constituent la base de différentes formes de violences que vit au quotidien certaines femmes, créant ainsi de l'insécurité à l'égard de la femme dans nos milieux ruraux et à Bukavu.

Il se révèle donc important de multiplier les séances de sensibilisation devant toutes les couches de la vie communautaire pour taire cette autre forme de violence.

Héritier BOROTO

Femme au Fone Sud-Kivu