Deux ans après sa mort, Femme au Fone rend hommage à Rebecca Masika

REBECCA MASIKA, une femme d'heureuse mémoire

10-07-2018 14:08:33

 

Femme au Fone rend hommage à une militante des droits de la femme, une des braves Femmes du Sud Kivu qui a donné sa vie à accompagner des femmes victimes des viols et violences sexuelles après avoir elle-même été violée. Elle a transformé sa maison en un centre d'accueil d'accompagnement des femmes victimes de viols et enfants issus des viols rejetés par la communauté. Deux ans après sa mort ; Femme au Fone se souvient d'elle. FAF se souvient de son combat, de sa lutte et de sa détermination. C'est depuis 2016, qu'elle s'en est allé !

Un témoignage de Judith Cuma,

Rencontres avec elle

J'ai connu Masika Rebecca à travers le projet Femme au Fone à Minova en 2014. L'équipe FAF dont je faisais partie devrait réaliser une vidéo sur les femmes victimes des violences sexuelles perpétrées par des militaires en replis à Minova après la prise de la ville de Goma par les rebelles du M23 au cours des rebellions à répétition dans le Kivu. Masika une « défenseure » engagée de Droits de Femmes était alors une source fiable et crédible pour FAF dans la réalisation de ce projet vidéo. J'ai eu le privilège d'interviewer cette femme en qui j'ai très vite découvert la bravoure et la détermination au fil de notre entretien.

Sorte de travail que faisait Masika

Si j'ai bonne mémoire Masika a perdu son mari et ses enfants pendant la guerre et fut elle-même violée à cette même occasion. S'étant refaite, elle choisit de faire face aux violences sexuelles. Elle se plaça au-dessus de ce qui pourrait, si elle n'était brave, l'assujettir. Pour vaincre totalement cette ignoble pratique et pour aider les autres femmes à la vaincre comme elle, elle initia la création d'un centre qui désormais servait d'accueil aux femmes et filles victimes des violences sexuelles et à celles stigmatisées voire rejetées par les leurs et même leur communautés parce qu'ayant été victimes des viols. A travers ce centre, Masika permit à de milliers des femmes victimes d'avoir l'accès aux soins appropriés, un suivi psychologique et une réintégration dans la société. Grâce aux activités champêtres réalisées en équipe par des femmes et filles sous son encadrement, elle permit aux femmes de recouvrer leur autonomie financière importante pour leur épanouissement, indépendance et dignité sociale. J'ai vu des enfants nés de suite de ces viols dans ce centre initié par Masika. J'ai vu cette femme lavait ces enfants. Elle fut non seulement une mère pour ces enfants mais aussi une thérapeute qui au-delà de les nourrir a cherché par tous les moyens à leur redonner leur dignité humaine en leur apportant des soins mais surtout en leur manifestant de l'affection dont tout être humain a besoin pour avoir un agir normal dans la société.

Masika a redonné de l'espoir à plus d'une femme

Un travail visant à refaire l'humain ne peut qu'être important à mon avis. A travers son travail, Masika a redonné de l'espoir à plus d'une femme, du sourire à plus d'un enfant.

Nombreuses d'entre ces femmes ne pouvant plus être acceptées dans leur communauté retrouvaient une famille à côté d'autres femmes dans ce centre ; elles appelaient Masika « mama » qui signifie maman en kiswahili. Ce travail a permis aux femmes des différents coins du Kivu de se retrouver, de se consoler mutuellement et de travailler main dans la main pour vaincre ensemble ; braver la peur, la honte et le mépris et surtout à retrouver leur dignité en tant que femme.

L'existence de la vidéo femme au fone visant la réparation

Une histoire montrant l'importance du travail abattu par Masika c'est pour moi la descente de Femme au Fone à Minova en 2014. Si FAF a pu avoir des informations, des témoignages des femmes c'est parce qu'il y a eu parmi des rares femmes visionnaires de Minova, une Masika qui a travaillé pour immortaliser les faits de la réalité dont des femmes du Kivu ont fait objets. Etre une référence, une source fiable d'information prouve suffisamment à quel point le travail de Masika Rebecca a été indispensable. La démarche judiciaire pour que justice soit faite à toutes les victimes de Minova, l'existence de la vidéo femme au fone visant la réparation, sont autant de preuve de l'importance de ce travail.
Les femmes devraient s'impliquer dans la démarche de leur dignité et épanouissement

Violée, Masika n'a pas croisé le bras et passer son temps à maudire son existence. Elle a plutôt choisi de prendre le dessus sur ce qui pourrait l'amoindrir. Elle a su compter sur la capacité qu'à la terre à valoriser un être humain par le courage du travail champêtre qui l'a permis de nourrir au quotidien les victimes et leurs enfants à sa disposition. Elles ont également compris que malgré le fait d'avoir été violé, elles gardaient encore leurs mains, leur intelligence pour être utile à la société à travers leur récolte mais aussi les produits de l'artisanat à l'instar des paniers qu'ellesmontaient et commercialisaient. Masika a inculqué à ces femmes que la dignité se gagne en dehors de la mendicité.

Ce que je retiendrais d'elle, son sourire, ses blagues

Je revoie là Masika, c'est jour-là devant moi en pleine interview , avec ses cicatrices ; toute sereine et confiante dans ce qu'elle fait ; je la revoie dans la cours de son centre entrain de laver ces enfants qui n'auraient peut-être jamais reçu un cadre approprié pour recevoir un peu d'affection nécessaire à leur croissance ; je la revoie en train de faire ce jour-là, de vas et viens entre son bureau et le centre pour servir l'équipe Femme au Fone; oui je la revoie... elle m'a tout simplement donné l'air d'une femme déterminée, passionnée de son travail, une femme qui a su se moquer de la misère...Ce que je retiens d'elle c'est l'assurance que reflétait sa mine quand elle était devant la caméra de Femme au Fone. Que dire de ce qui me manque le plus ? Je dirais avec tout mon regret, lorsque je considère le vide que sa mort a produit dans la vie de toutes ces femmes, que c'est elle-même Masika Rebecca qui me manque le plus.