L’étendue de violences domestiques faites aux femmes du Sud-Kivu.

22-09-2014 08:10:37

« La majorité des femmes âgées entre 19 et 44 ans meurent de suite de violences domestiques qu'elles subissent. Cause qui devance la guerre, le cancer et les accidents de la route », affirme le Conseil de l'Europe, dans un rapport. [1]Cette situation n'épargne pas les femmes sud-kivutiennes.

Selon le rapport de la Direction des recherches du Réseau des Femmes pour la Défense des Droits et la Paix (RFDP) les violences conjugales sont si « répandues qu'elles sont considérées comme normales»[2].

D'après les SMS reçus au système Femme au Fone, il est constaté certains cas des femmes qui subissent de graves violations. Par exemple un SMS en provenance de SHABUNDA le plus grand territoire de la province du Sud-Kivu et enclavé en communication dit : « une jeune femme est morte de suite des coups et blessures subis par son mari qui s'était enfui après le forfait ». Le décès de cette femme s'est produit en avril 2014 après quelques jours d'hospitalisation. Le crime a été dénoncé, la police nationale congolaise s'était impliqué à mener des enquêtes.

En territoire de KABARE au Sud-Kivu, un autre SMS parlait d'un cas d'une femme qui est menacée « d'être chassée par son mari qui ne cesse de la frapper chaque jour car elle ne veut pas ceder l'argent avec lequel elle fait le petit commerce pour l'avantage de toute la famille, pourtant l'homme ne demande cet argent que pour aller se payer la bière ».

Pendant ce temps, dans le territoire de WALUNGU, à KAMANYOLA c'est une autre femme qui s'est vu frapper par son mari devant les infirmiers qui soignaient son enfant malade, parce qu'elle s'était permis de vendre une chèvre de la famille afin d'avoir l'argent pour payer les soins de son enfant.

Ce sont quelques cas de messages qui proviennent de tous les territoires de la province et qui se repetent très souvent ; on constate alors que les femmes au Sud-Kivu ne sont pas épargnées des violences domestiques. Mais contrairement à ce qui se passe ailleurs, par exemple au Rwanda où il y a un centre d'accueil appelé One Stop ISANGE à KIGALI, ou en TANZANIE, à UGANJA, où un centre de refuge des femmes, coordonné par AISHA IBRAHIM, a ouvert les portes récemment et même en OUGANDA où il y a quelques rares centres ; en RDC en général, et au Sud-Kivu en particulier rien n'est entrepris jusque là comme mesure de protection étatique pour les femmes victimes de violence domestique pour la possibilité de prendre de mesures d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé des violences afin d'éviter que de tels actes ne se reproduisent. « Il n'existe pas un seul centre d'accueil au sein duquel les femmes peuvent trouver refuge et fuir leur domicile conjugal »[3]. La legislation congolaise ne prévoit pas la possibilité de prendre de mesures d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé des violences. Quant au code penal, il reprime les viols conjugaux; mais on constate que beaucoup de personnes pensent que les viols conjugaux ne sont pas un crime et alors meme si la loi existe, la population ne s'appropprie pas d'elle pou exiger une application. Cependant il règne un climat d'impunité, les auteurs de violence restent dans la majorité de cas impunis, « les victimes n'osant pas laplupart du temps porter plainte », affirme le meme rapport. « La violence domestique fait partie des secrets du ménage », et l'Eglise tout comme la famille encouragent le silence autour de ce sujet ce qui fait progresser les violences conjugaux.

Cependant en matière civil, le code de la famille congolais prévoit les réparations des torts causés par les violences conjugaux.

En Juillet 2013, lors de la 55è session de la rencontre de vingt ONG du Nord et Sud-Kivu de lutte contre toutes formes de discrimination et de violence contre les femmes tenue à GOMA, les participants ont recommandé d'envisager une loi spécifique pénalisant les violences domestiques, y compris les viols conjugaux. Mais juqu'à ces jours aucun chiffre n'est disponible bien que les autorités et la société civile en RDC en général, et au Sud-Kivu en particulier, en sont conscients.

Violences domestiques, au-déla des coups

Quand on parle des violences domestiques la plupart des gens estime que ce ne sont que des abus physiques. Et pourtant les violences domestiques ou conjugales vont au dé-là de l'aspect physique. Selon WOMEN'S AID ( www.womensaid.ie) les violences domestiques incluent les abus physiques, psychologiques, sexuels et même fianciers ou économiques.

Selon Cécile MULOLO, psychologue à l'hôpital général de référence de Panzi à Bukavu, « la violence psychologique, est un abus qu'on fait à la personne en la dénigrant ou en la critiquant constamment ou en humiliant une personne devant les gens. C'est aussi mepriser, calomnier, c'est se moquer de quelqu'un ». Elle donne un exemple : « une femme était venu vers moi et m'avait dit comment son mari la traitait après avoir fait le rapport sexuel avec elle. Il crachait de la salive par terre et disait que cette femme sentait mal, qu'elle ne lui convenait pas et qu'elle n'était pas de son rang ». En d'autre terme la violence psychologique c'est le fait de blesser l'amour propre d'une personne, l'anéantir, ce qui peut l'amener même à devenir dépressif ou à se suicider. La victime se sous-estime elle-même à cause du traitement qu'elle est entrain de subir. Les victimes de violence psychologique peuvent aussi développer des maladies gastriques ou arterielles.

Il existe aussi « la violence économique ou financière » au sein de la famille, affirme Mme Christine VUMILIA de l'organisation Soutien aux Initiatives Promotionnelles de la Femme et de la Famille (SIPROFA). «Une femme qui ne travaillait pas pendant un moment, se voyait priver d'argent même pour certains besoins familiaux car son mari voulait la rendre plus dépendante et lui peser dessus. Après un temps elle s'est lancée à faire le petit commerce pour suppléer son mari mais celui-là lui avait laissé définitivement toute la charge familiale» raconte Christine VUMILIA. C'est une violence financière dans ce cas.

« On peut parler aussi de violence culturelle », affirme Dorice NDEKO du Réseau des Femmes pour la Défense des Droits et la Paix (RFDP). Il montre comment la société congolaise rend les femmes victimes de violence culturelle, par exemple, en considérant que « les hommes ont plus de valeur que les femmes et on ne considère pas certains droits aux femmes bien que la loi congolaise les reconnaissent ». Il donne certains exemples comme le fait d'interdir à la femme de siffler, ou de manger soit les œufs ou le poulet, le fait de considérer les travaux ménagers comme appropriés qu'aux femmes. Dans l'attribution même des noms qui font plutôt prévaloir les enfants mâles dans certaines tribus en RDC et cela dès la naissance. On fait preuve de discrimation en montrant comme si les enfants mâles sont victorieux, supérieurs ou chefs. Par exemple dans une famille où il y a plusieurs filles quand un garçon est né on lui donne le nom « CHOKOLA » qui signifie sauveur, ou « CUBAKA » qui signifie bâtisseur, en lui conferant déjà un rôle de superiorité par rapport aux filles.

Une femme qui a recquit l'anonymat a témoigné à Femme au Fone de la violence dont elle a été sujet pendant environ 7 ans par son mari, ainsi que que par sa belle famille. « J'ai vécu en très bonne harmonie avec mon mari plus de douze ans. Mais il est arrivé un moment où j'ai constaté un changement brusque de mon mari à mon égard. Il ne voulait plus se promener avec moi, ni manger la nourriture que je lui préparais. Il me dénigrait à tout moment, il ne me donnait plus la ration alimentaire et ne voulait plus payer les frais d'études pour nos enfants. Il a même récuperé l'argent avec lequel j'exercai le petit commerce. Ma belle famille me taxait d'être sorcière et mon mari lui, pour se justifier de se séparer de moi il m'a acussé d'infidélité. »

A partir des SMS reçus au système Femme au Fone, les femmes et autres auditeurs ont écrit nombreux faits et cas où les femmes subissent ces différentes formes de violence citées là-dessus : par exemple une femme du territoire de Kalehe a été battue et chassée de sa maison par le simple fait d'avoir envoyé à sa famille quelques maïs récoltés dans leur champs, au détriment de la famille du mari.

Il y a de ces SMS qui ont parlé de ces femmes qui sont maltraitées et/ou brutalisées par le simple fait de refuser le rapport sexuel avec leur homme à cause soit de la maladie, soit de la menstruation, de la grossese avancée ou la fatigue. Cela parce que notre société estime qu'il est du devoir incontournable à une femme de faire le sexe à son homme.

Un autre message d'une femme dit comment elle n'a pas droit de s'achéter même les sous-vêtements avec l'argent de son petit commerce bien que c'est elle qui avait cherché le crédit pour ce commerce. Elle est obligée de tout donner au mari, sous peine d'être frappée.

Aussi certains messages SMS parlent d'autres formes de violences que subissent les femmes ; par exemple, ces hommes qui interdissent à leurs femmes de travailler ; d'autres qui une fois que la femme travaille ou qu'elle a une activité génératrice de revenu, profitent pour lui laisser toutes les charges de la maison à sa responsabilité ; ces hommes qui gèrent les résultats et ne répondent pas aux besoins de leurs femmes: par exemple avoir la lotion de beauté ou même des babouches, pendant que lui, il va s'achéter toujours de la bière et oublie même à approvisionner sa maison de la ration alimentaire.

Autres messages disent que les violences que subissent les femmes c'est le fait que certains hommes quittent leurs familles pour aller faire le commerce et restent loin de leurs femmes beaucoup de jours sans donner de leurs nouvelles ni envoyer l'argent pour la survie de leurs familles. D'autres femmes sont violentées en ne recevant pas le rapport sexuel par leurs hommes après beaucoup de mois, voire des années, tandis que pour d'autres femmes elles se voient violentées en se laissant faire le rapport sexuel contre leur gré soit parce qu'elles sont fatiguées soit parce qu'elles sont malades ou stressées.

Tous les expert(e)s consultés par Femme au Fone sont unanimes qu'au Sud-Kivu les femmes subissent toutes les formes des violences domestiques tout en ignorant qu'elles sont violentées. Pour agir et arriver à un changement de la situation, ils recommandent :

- Que les parents n'appliquent pas la discipline violente à leurs enfants, pour ne pas forger en eux des futurs adultes violents à leur tour ;

- Que les femmes fournissent plus d'effort pour pouvoir se prendre en charge pour minimiser la violence financière ;

- Que les hommes spécialement puissent respecter les droits sexuels des femmes dans tous les cas;

- Que les femmes ne s'isolent pas et qu'elles cherchent de l'aide en parlant à quelqu'un pour s'éviter les repercutions psychologiques voire physiques sur elle-mêmes et sur leurs enfants ;

- Que l'Etat congolais initie des programmes d'éducation sur la sensibilisation de la promotion du genre ; et qu'il mette en marche des programmes de soutien aux victimes pour qu'elles puissent s'en sortir du cercle de violence à la maison ;

- Que la justice congolaise protège les femmes victimes de violences.

Par Esther TUTEKEMENE, membre Rédaction FAF.

[1] Rapport publié par le Conseil de l'Europe à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, en novembre 2009.

[2]Rapport du 2ème examen périodique universel de la République Démocratique du Congo : «Les violences contre les femmes au Nord et Sud Kivu, Octobre 2013, de la Synergie de femmes pour les victimes des violences sexuelles.

[3] Rapport du 2ème examen périodique universel de la République Démocratique du Congo : «Les violences contre les femmes au Nord et Sud Kivu, Octobre 2013, de la Synergie de femmes pour les victimes des violences sexuelles.