Plan National de la 1325 en RDC : quelques pas et beaucoup à faire.

24-03-2014 15:09:18

Adoptée en 2000 à l'unanimité au Conseil de Sécurité des Nations Unies, la Résolution 1325 avait été bien accueillie en République Démocratique du Congo (RDC) par les organisations féminines, qui d'ailleurs travaillaient sur les questions de paix et sécurité bien avant l'avènement de ladite résolution.

Les conflits récurrents à l'Est du pays depuis 1996 avaient poussé les femmes congolaises, particulièrement celles de la société civile, à s'impliquer dans un plaidoyer tant national, régional qu'international pour réclamer la paix dans le pays. C'est ce qui explique les actions de grande envergure menées par les femmes à Sun City en 2002 (http://www.irinnews.org/pdf/in-depth/dial_rdc.pdf) qui ont balisé le chemin pour l'adoption du principe de parité homme – femme dans la Constitution. (http://www.leganet.cd/Legislation/JO/2006/JO.18.02.2006.pdf)
En 2004 le Secrétaire Général des Nations Unies a demandé aux états membres de développer des Plans d'Action Nationale pour la concrétisation de la Résolution 1325.

Ce n'est qu'en 2005 que le gouvernement national congolais, via le Ministère en charge des droits de la femme dénommé à l'époque « Ministère de la condition féminine », a entrepris les formations des agents des Ministères étatiques sur l'élaboration du Plan d'Action National de la Résolution 1325. Cette initiative a été renforcée par les organisations féminines de la société civile qui produisirent le brouillon du plan d'action qui sera enrichi et adopté par le gouvernement en 2010 sous l'initiative du ministère du Genre, de la Famille et de l'Enfant, accompagné par les Nations Unies à travers ONU Femme. Le Plan d'Action Nationale comprend trois niveaux pour la mise en œuvre de cette résolution : Comité de Pilotage National, Comité de Pilotage Provincial et Comité de Pilotage Local. (http://www.peacewomen.org/assets/file/drc_nap_2010.pdf)

Mais même si le Plan a été élaboré en 2010, il n'a vu un début de matérialisation en province qu'à partir de 2013 avec des ateliers de vulgarisation de la résolution 1325 organisés par le Comité de pilotage National avec l'appui financier de l'ambassade de Suède.

La R1325 au Sud Kivu

Aujourd'hui, seulement deux provinces du pays ont installé leur Comité de Pilotage Provincial ; le Katanga et le Sud Kivu qui a organisé au mois de décembre 2013 un atelier de vulgarisation du Plan d'Action Nationale pour l'application de la Résolution 1325 avec l'appui financier de la Direction de développement et de la coopération Suisse.
C'est dans ce cadre que le gouverneur a signé un arrêté qui crée le comité provincial et local du pilotage de la Résolution 1325 (1).

Pour le Ministre Provincial en charge du genre, santé, famille et affaire humanitaire, l'année 2014 va être une année de « fonctionnalité des différents comités », le provincial mais aussi ceux des territoires qui doivent être encore crées. Le plan d'action provinciale est en élaboration et les axes prioritaires sont : paix, sécurité, violence sexuelle, VIH SIDA, droits des femmes, participation politique des femmes, consolidation de l'état de droit, coopération régionale et internationale, recherche et étude, suivi et évaluation.

Le ministère de Mr. Mwanza Nangunia affirme que pour l'application du plan provincial , il compte sur « l'appui aux comités sectoriels prévu dans le budget provincial pour l'exercice 2014 et aussi sur l'appui financier des partenaires extérieurs comme ONU Femme, DDC Suisse ou la coopération allemande, entre autres ».

Mme Solange LWASHIGA, secrétaire exécutive du Caucus des Femmes pour la Paix au Sud Kivu et 2ème vice-présidente du Comité Provincial de Pilotage, affirme « qu'il faut envisager des activités qui réunissent les femmes dans un cadre bien précis ; ainsi elles pourront échanger sur des questions de paix et de sécurité et elles pour s'approprier des comités locaux après que ceux-ci soient installés».

Les défis

La RDC a encore un long chemin pour réaliser la mise en application de la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Sur l'aspect participation politique de la femme, certes, le pays a progressé par différents textes adoptés, mais force est de reconnaître qu'un gros travail reste à accomplir, malgré la recommandation convenue de respecter un quota de 30% en faveur des femmes. Dans ces conditions, la nécessité de traduire dans les faits les prescriptions de la résolution 1325 nous semble une impérieuse nécessité au regard du hiatus entre ce qui se dit et ce qui se vit. Paradoxalement, la population féminine de la RDC est évaluée à près de 52%, contre 48% pour les hommes, selon les statistiques des personnes inscrites dans le cadre des élections générales de 2006.

La représentation féminine dans les instances de prise de décisions reste sujette à caution. Au sein du gouvernement la présence des femmes n'a jamais dépassé 15% ; dans le gouvernement actuel, elles sont au nombre de 5 sur un total de 45 membres, tandis que 42 femmes seulement ont été élues à l'Assemblée nationale sur un total de 500 députés, soit une moyenne de 8%, ainsi que 5 femmes sénateurs sur 120. Sur les 210 partis qui ont été agréés pour prendre part aux élections législatives, présidentielles et locales, seulement 10 partis politiques sont fondés par des femmes.

Selon Me Irène ISAMBO du Centre d'étude sur la justice et la Résolution 1325 (CJR 1325) de Kinshasa, une des trois structures qui représentent le groupe de la société civile dans le Comité de Pilotage National, quelques réalisations peuvent néanmoins être observées pour l'implémentation de la 1325 en RD Congo.

Sur le plan national «par exemple l'existence d'un Ministère appelé explicitement du Genre, de la Famille et des Enfants, quoique existant déjà auparavant sous d'autres dénominations. A travers le pays, il dispose de divisions provinciales avec les mêmes missions.

On a aussi créé le Conseil National de la Femme, structure nationale congolaise chargée de suivre l'application des conventions et traités ratifiés par la RDC et le Bureau national de mise en application de la Résolution 1325, créé en juin 2009. La signature sous forme d'arrêtés ministériels des textes juridiques sur l'organisation et le fonctionnement du Comité de Pilotage National de la 1325 et la gestion des fonds relatif à la mise en œuvre de résolution, l'actualisation du document de stratégie nationale d'intégration du genre dans les programmes et politiques de développement, l'adoption de plusieurs autres lois, règlements, programmes et politiques pour la promotion du genre et la lutte contre les violences sexuelles basées sur le genre en RDC, l'organisation de plusieurs forums et autres rencontres sur la mise en œuvre de la résolution 1325 .

Sur le plan régional, il faut souligner l'implication de la RDC, à travers le Ministère du genre, dans le processus d'adoption du plan d'action sous régional de la Résolution 1325 réunissant jusque-là trois pays : le Rwanda, le Burundi et le RDC (avec l'appui technique et financier de «Femmes Africa Solidarités (FAS) qui a conduit à la mise en place du Comité de Pilotage sous régional. Ce Comité reste ouvert à d'autres pays de la région de grands lacs ».

Néanmoins, une fois de plus, la mise en pratique de tous ces instruments est déficiente. Lorsque l'on analyse l'accord cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo et la région, signée à Addis-Abeba le 24 février 2013, on observe que non seulement les femmes n'étaient pas activement représentées lors de la signature mais, pire, dans les engagements du gouvernement congolais, les besoins spécifiques des femmes ne furent pas prises en compte. http://www.peaceau.org/uploads/scanned-on-24022013-125543.pdf

C'est dans cette optique que le Ministère du genre et quelques organisations féminines congolaises ont eu des échanges avec Mme Mary Robinson et ses représentants pour un plaidoyer devant les signataires afin qu'ils prennent en compte la question du genre dans la mise en œuvre dudit accord.

Sur le plan financier, lors de la célébration de l'anniversaire de la 1325 en 2013, il y a eu la table ronde des bailleurs avec certains Ministères du gouvernement sous l'égide du Ministère du genre, et presque tous se sont engagés à appuyer financièrement la mise en œuvre de ladite résolution.
Malgré les efforts théoriques et structurels enregistrés depuis un certain temps en RDC, des inégalités et obstacles liés au genre freinent encore la participation des femmes aux instances de décision, aux initiatives de paix, de sécurité et de développement.

Des barrières culturelles ne sont pas en reste. Le nombre d'associations féminines et autres mouvements féminins opérationnels en République Démocratique du Congo constitue un témoignage de l'apport effectif et potentiel des femmes au développement du pays.

Il est donc grand temps que la femme ne soit plus reléguée aux rôles secondaires. Bien au contraire, il faut qu'elle intègre pleinement le cercle des prises de décisions, depuis la cellule familiale jusqu'au plus haut niveau du pouvoir politique.

Yvette MUSHIGO
Juriste, experte 1325, FAF

(1) arrêté provincial N°13/O36/GP/SK du 07/12/2013 portant création ; organisation et fonctionnement du comité provincial et local de pilotage de la résolution 1325 du conseil de sécurité des nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité a été signé par le gouverneur de la province du Sud Kivu.